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Variations de regard
18 août 2013

Soeurs, plumes n° 12

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Ce qui lui semble aussi éloigné que possible du divin, c'est le tintement des cloches de l'église, à la place de St J***, le dimanche soir.

On est en novembre et les lanternes de la rue percent à peine la brume jaune de cette fin d'automne. Cette ombre oppressante fait penser à lui. Et elle redoute de voir apparaître ce qui luit au fond de ces prunelles. Alors, plutôt que d'y arrêter sa pensée, la petite fille s'astreint à résoudre des problèmes de mathématique. Peut-être qu'en jouant avec la gomme, le crayon, le plumier et les chiffres, avec les minces possessions de son enfance, elle pourra retarder, juste retarder l'attention dont elle est l'objet, le regard louvoyant, concupiscent, le piège ouvert devant ses pas.

Mais comment ? Quand tout cela même, autour d'elle, vient de lui ?

Elle se dit qu'à force de résoudre des problèmes, le temps finira bien par passer. Consciemment, en élaborant sa propre science, elle en appelle à la magie, aux plumes du hibou, à la coquille d'oeuf nacrée. A tout un ésotérisme personnel. Celui qui conjurera la terrible pesanteur du présent.

La langueur du temps qui ne passe pas.

Dès le dessert avalé, elle se réfugie dans ses livres, ses jeux, débris de poupées, meubles éreintés, casseroles bosselées. Elle érige les jouets et la fratrie comme un rempart rassurant. Mais chacun vit pour soi. Se cache. Et craint le silence. Ne va-t-il pas surgir, -lui, le vampire- dans ce silence des mauvais jours?

La peur vibre au centre de la chambre.

Qui baigne dans son sang?

Ce n'est pas comme cela que l'histoire aurait dû se passer. Non. Pas du tout. Il faut que je recommence.

Que j'écrive comme "si"...

En réalité, il se serait passé ceci:

Les enfants, tous les enfants, entre eux, se seraient serré les coudes, Camille et Léon, Marguerite, Sophie et Paul. Ils n'auraient pas été séparés par des intrigues familiales. Par des kilomètres, des années, des anniversaires manqués et des entorses dans les escaliers. Ils se seraient fait des promesses. Non seulement celle de ne jamais se perdre, mais aussi celle d'attendre le moment propice.

Et de frapper.

Et plus tard, l'oeuvre accomplie, le crime perpétré, celui qui ôte des épaules l'horrible secret, la tache d'un rouge sombre, diluée dans le noir et le pourpre, se serait confondue en elle-même...

Et, entièrement solidaires de leurs enfants, les deux soeurs, les deux mères, auraient tout donné.

Il en aurait été de cette inexistence comme de ces cimetières que l'on ne retrouve jamais...

***

Les mots des Plumes n° 12 d'Asphodèle étaient:

silence, secret, regard, brume, cacher, dessert, chambre, hibou, résoudre, gomme, œuf, intrigue, divin, oppressant, baigner, ésotérique, magie  et : luire, langueur, lanterne.

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Commentaires
C
On est à fond dans l'ambiance sombre, mais très poétique. :D J'adore ! :D
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Q
(Et quand même, ce n'est pas mon histoire que j'ai écrite, heureusement ... Mais malheureusement pour d'autres auxquels je pense souvent...)
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Q
Bonjour (re) Fabienne, en fait, je n'ai pas vu "Heavenly creatures" non plus mais j'aimerais bien le voir car c'est une histoire vraie (et sans gloire d'ailleurs), sauf que l'adolescente qui a commis le crime est devenue la romancière anglaise Anne Perry, dont j'ai lu la série de romans avec l'inspecteur Pitt. (Et son épouse Charlotte... J'aimais beaucoup ) - Dans les coulisses du musée, il faudra que je note ça dans les films à voir ... !!
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F
Je découvre, Pivoine, et je suis vraiment admirative de cette atmosphère tellement bien décrite. Je n'ai pas vu Heavenly creatures mais par contre, ton texte me fait beaucoup pensé à Kate Atkinson et à sa capacité à décrire avec beaucoup de pudeur des climats familiaux où se jouent des drames qu'à part quelques enfants lucides tout le monde a l'air de trouver normaux !<br /> <br /> Si tu ne connais pas, je te conseille vivement "Dans les coulisses du musée".
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P
Merci Ghislaine, pour ce gentil commentaire :) (en réalité, c'est totalement imaginaire, mais naturellement, c'est inspiré de faits réels, du moins, pour la première partie...) Quoique, pour la seconde, j'ai pensé aux "Heavenly creatures"...
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Variations de regard
Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

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