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Variations de regard
31 août 2013

Au "village gris" de Jean Tousseul...

Alors, voilà ma contribution pour les "Plumes n° 14" de ce 31 août... Avec les mots (moins un ! Et je laisse tomber "extraterrestre"!)

 Gens, survivre, univers, découverte, terre, partage, bonheur, macrocéphale, cultures, tour, astral, grandeur, mer, extraterrestre, envahisseur, animal, mappemonde,  journal, pluriel, couleur, parallèle, fin, guerre, et nymphe, néant, néglige.

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Ils vivaient tous en plein bonheur, ces gens natifs de Besmes à Bois-Moreau, Chant d'Oiseaux, Chaudemont, Lengien, Loysse, Mostombe, Petit-Waret ou Velaine... Leur univers semblait se cantonner entre l'église du village, les cultures environnantes, les carrières de Sclaigneaux et le cimetière.

Emblavures nettes des champs, arbres fruitiers des vergers, terre et pierre, acier des chemins de fer et petits tramways vicinaux... 

Personne, à des kilomètres à la ronde, n'avait vu la mer. Et beaucoup d'entre eux n'étaient même jamais allés à la ville. Peut-être à Andenne, oui, mais Namur, même pas. C'était, pour tous, une vie simple et laborieuse, de paysans et d'ouvriers carriers, non dénuée de grandeur, avec ses "importants", qui commentaient le journal et partageaient les nouvelles, le curé, l'instituteur, le bourgmestre, l'épicier. L'instituteur! Il officiait dans un petit bâtiment de la commune, et les gens n'étaient pas peu fiers de la grande classe, avec ses bancs, son tableau noir, ses panneaux pour les règles de grammaire, singulier - pluriel. Et pour le calcul métrique. Et puis, la balance et la mappemonde. On en rêvait de cette mappemonde, avec ses couleurs bleues -pour les océans, et ses entrelacs de lignes "parallèles", dont on n'imaginait pas pour autant l'importance pour la navigation.

Les enfants, eux, redoutaient le maître... Surtout quand ils avaient fait l'école buissonnière, préférant la découverte incessante de la campagne, avec sa vie bruissante de plantes et d'animaux aux mondes astraux dont Monsieur Leleux aimait tant parler.

Et puis, il y avait Charles Dohet. Je ne sais pourquoi, dans la région, on l'appelait familièrement "le Cho'vêche". On connaissait bien sa silhouette lente, brinquebalante, un brin macrocéphale. Et ses mots, mangés à moitié. Il avait monté sa petite entreprise de transport... Espérant la léguer à un fils. Mais il lui était venu quatre filles. Un joli bouquet, il était bien forcé de le reconnaître. Et travailleuses. L'aînée était employée à Jambes, chez les Materne, comme apprentie cuisinière. Il n'en était pas peu fier. Pour eux, la maison Materne, c'était comme un château, et il n'eût pas fallu beaucoup pour que les gens de Petit-Waret l'ornent de tours et de poivrières. Au début, il les avait quelque peu négligées, ces petites. Des filles ! Encore une! S'était-il exclamé à la naissance d'Emma, sa benjamine. Mais aujourd'hui, ses quatorze ans à peine sonnés, elle semblait une nymphe agreste, une vraie petite déesse des moissons. Et il en était fier.

Et puis, il y a eu cette heure de l'angélus. Demain, et les jours qui suivent, que feraient-ils, eux tous? Combien de temps encore conduirait-t-il les pierres de Sclaigneaux dans ses chariots?

Landenne. 4 août 1914. Le tocsin a sonné, sonné, sonné. La fin de la paix. La guerre. Mais quoi? Et demain? Quand les chevaux auront été réquisitionnés, quand l'envahisseur sera là, quand des gens mourront, quand le glas sonnera, quand le bois aura pourri dans les tranchées détrempées. Quand on aura peur -tant de choses terribles arrivent jusqu'à eux, déjà, par le bouche-à-oreille. Et quand le métal aura été fondu et que brûleront les hameaux de la Meuse, de Flandre, de France, où seront-ils? Sombreront-ils dans le néant?

Que feront-ils?

Impossible d'imaginer qui survivra à la boucherie orchestrée par les puissants de ce monde.

 

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Commentaires
M
Je suis désolée de ne pas vous avoir répondu à tous et toutes plus tôt, je n'ai pas ouvert mon ordi depuis... Vendredi dernier je pense !!! J'ai fait quelque chose de très difficile cette semaine, et maintenant, il faut que la tension se relâche un peu et puis, je reviendrai !!! Promis !
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C
Une très belle prélude à la guerre. :D J'adore ! :D
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P
On la sent monter , l' angoisse !
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S
Une histoire qui sent le terroir. Une belle Plume !
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F
Quelle belle évocation de cette époque dans ces petits villages ! Comme les autres, cela me donne envie de connaître la suite... Ton écriture permet de se mettre dans l'ambiance.
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Variations de regard
Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

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