Quel est le mot le plus important? Et pourquoi?
C'est le thème de réflexion proposé par Jean-Paul Gallibert, dans Interlude.
Voici ma réponse:
Vie.
C'est juste parce que là, en cet instant, je suis dans le vif du sujet, dans le vif de la chair, dans le vif d'une après-mort. Dans le vif de ma vie. J'aurais pu choisir le mot "mort" (comme dans "Mort où est ta victoire?" mais je préfère parler de la vie. Sans vie, d'ailleurs, y aurait-il de la philosophie?
Je viens d'assister à l'adieu à une amie, je viens de dire adieu à une amie. Je ne connaissais personne dans l'assistance, c'était très curieux. Alors, comment puis-je parler d'une amie? Nous nous sommes connues alors que nous étions enfants. Puis perdues de vue à la pré-adolescence, à la faveur d'un changement d'école. Je suis encore pleine des histoires et des anecdotes que nous avons échangées, depuis quelques mois, (je ne sais même plus la date exacte à laquelle nous sommes entrées en contact, en 2013!). J'ai l'impression que cela a été si court. Court et fort, parce qu'elle écrivait. Parce que je pouvais suivre, au fil des mois, les méandres de sa pensée. Elle possédait l'art de dire simplement - et avec élégance - des choses infiniment profondes. Nous avions plein de points communs, de goûts, d'élans, et ce même amour des mots, Qui ne devaient rien, sans doute, ou peut-être que si, comment savoir? A notre éducation première, à notre instruction identique. Je sais qu'elle va me manquer. Elle me manque, déjà.
Et si je devais la caractériser en quelques mots, j'écrirais "passeuse de lumière"...
Ne plus lire les commentaires de quelqu'un, comme ça, au jour le jour, cela va quand on sait que ce quelqu'un est quelque part, qu'on peut le toucher, le lire, même quand sa parole s'en va vers le silence. Mais quand le silence définitif s'est fait, cela fait une impression terrible. Ne plus voir son nom s'afficher, avec son visage, en clair-obscur de ma mémoire, ne plus, ne plus, ne pas... Et voilà que d'emblée je cite le mot vie, en commençant ce texte, alors que je parle surtout du silence, de l'absence et de la mort.
Mais j'ai eu aussi un professeur d'histoire qui nous a dit ceci, en plein milieu d'un cours - sur la France de l'Ancien Régime: "la mort était au centre de la vie comme le cimetière était au centre du village"...
Vie et mort vécues, senties, pensées, réfléchies, traversées, n'est-ce pas le début (et la fin) de tout ?