"Du vert au violet" (suite)
Pour ne pas faire quand même beaucoup plus que 100 mots.
Un exemplaire original du roman très Jungendstil "Une femme m'apparut", édité chez Lemerre, avec reliure luxueuse, illustration en frontispice, et dédicace originale de la main de Renée Vivien à Jeanne de Bellune est vendu ... 800 euros sur le net !
De la folie !
Je me contente de l'édition de Régine Deforges de la fin des années 70 et en suis assez contente, car j'ai l'oeuvre poétique complète, le recueil de nouvelles "La dame à la Louve", le roman "Une femme m'apparut" et la biographie de Jean-Paul Goujon, "Tes blessures sont plus douces que leurs caresses".
Encore un personnage mystérieux que cette Pauline-Mary Tarn, anglaise ayant écrit son oeuvre en français, sous le pseudonyme de Renée Vivien. D'origine bourgeoise, suffisamment aisée, ayant perdu son père très jeune, restant avec une mère épouvantable (qui faisait main basse sur l'héritage de sa fille - ou tentait de le faire), et une jeune soeur qui semble avoir mené une vie beaucoup plus "classique", amoureuse de la France, de Paris, et très tôt amoureuse des Lettres, (elle a très vite appris le grec ancien), elle a, dans l'adolescence, entretenu une correspondance poétique et mi-amicale, mi-amoureuse, avec Amédée Moullé, un industriel lettré, avant que sa vie ne prenne une trajectoire totalement différente lors de sa rencontre avec Nathalie Barney.
Alcoolique, anorexique, (j'ai lu un essai assez indigeste là-dessus, sans jeu de mots), elle essaie plusieurs fois de se suicider, pourtant, sa vie connaît un certain apaisement lorsqu'elle rencontre la baronne Van Zuylen de Nyevelt, alliée aux Rotschild. Mais pour combien de temps ?
Son portrait sculpté se trouve au musée Rodin.
C'était aussi une adepte du Trans Europ Express (elle allait à Istanbul voir une amie avec qui elle correspondait, Kérimé Turkhan Pacha), sans compter ses voyages à Mytilène et un voyage au Japon. Il semblerait qu'elle détestait les villes modernes - et les tramways.
Elle meurt en novembre 1909, après s'être convertie au catholicisme, ce qui ne laisse pas d'être étonnant, en laissant une oeuvre énorme, à la fois parachevée et inachevée, écrite soit sous son pseudonyme, soit sous celui de Paule Riversdale, comme "Du vert au violet". Ainsi que de la correspondance. Longtemps, le mystère est resté très opaque, jusqu'en 2000 où ses papiers et archives, livres, photographies se trouvaient à la Nationale à Paris - résultat d'un legs de Salomon Reinach, qui voulait soustraire ces archives à la curiosité des contemporaines de Renée Vivien. Mais je ne suis pas sûre que les études sur tous les aspects de sa personne soulèvent davantage un pan du voile.
Et tout ceci ne dit pas grand-chose sur sa poésie, qui vaut la peine d'être lue.
Toutefois, si l'effet sur moi fut violent, quand j'empruntai deux volumes de vers à la bibliothèque de l'ULB, en 1977 justement, maintenant, cela s'est tout à fait tassé.
Mon poète préféré, un autre météore, reste sans conteste Odilon-Jean Périer.