Brèves de mes grands-parents
Je ne suis pas parvenue - lors d'une de mes promenades à Koekelberg - entre la station Simonis, la chaussée de Jette et la rue Vandenboogaerde, à retrouver la maison où il y avait l'appartement de mes grands-parents (chaussée de Jette).
Mais il reste les sensations, souvenirs, odeurs, sons : le son aigrelet de la pendule genre Westminster, sur une cheminée...
Les nombreux bibelots, un carafon vert, avec un médaillon doré, des gobelets verts, sans doute un service à apéritif. Des meubles bizarres, lourds, ce qu'on appelait des meubles de Malines, je crois. Un canapé en velours vert inséré dans une armoire vitrine remplie de bibelots, dont deux bibelots saupoudrés de particules brillantes - et qui changeaient de couleur en fonction du temps (paraît-il).
Au milieu de tout ça, un magnifique secrétaire en acajou, rempli de Livres de Poche... Le violon de ma grand-mère, lui, avait disparu depuis belle lurette, (au grand dam de mon père!) et un beau jour, le secrétaire a suivi...
Le coq au vin de ma grand-mère. Mon grand-père qui s'essayait à l'autorité... Mince, droit et sec. Son "catarrhe des tranchées", parce qu'il s'était engagé en 1918 - mais qu'il a peu combattu (ou pas).
Le tableau d'un berger allemand qui me flanquait une trouille pas possible.
Le mixer dans la cuisine, avec son réservoir en verre, et qui faisait envie à ma mère (elle en parlait tout le temps).
Les goûters, à la lourde table, avec les lourdes chaises cloutées, recouvertes de cuir ou de plastique rouge... Et les soupers sandwiches, avec mes cousines : les sandwiches au fromage gouda, au jambon, au pâté de foie et à "l'américain"... Auquel on ne touchait pas, fort des recommandations de ma mère, redoutant toujours la viande crue et le ver solitaire (!)
Et quand je commençais à m'amuser et que je rampais en-dessous des meubles, immanquablement, j'entendais mes parents dire: "elle est fatiguée, il faut rentrer". Je ne me sentais pas fatiguée, je m'amusais...
La photo de Claire, à côté de la mienne. Claire était une lointaine cousine à peu près de mon âge. Je voulais m'amusais avec "les grands", et eux n'avaient pas envie -sans doute- d'avoir une gamine comme moi dans les pattes. Ma cousine Nicole n'avait pourtant que deux ans de plus que moi. Alors, on me disait: c'est parce qu'il y a une trop grande différence d'âge entre vous. J'en ai conclu que pour s'entendre avec quelqu'un, il fallait nécessairement avoir le même âge. D'où mon ardent désir de rencontrer Claire. Je l'ai rencontrée pour la première fois à quarante ans bien sonnés, quand j'ai littéralement "découvert" ma famille paternelle - mais qui diable étaient tous ces gens-là ? Ai-je pensé...
La chambre avec le lit recouvert d'un édredon satiné dans les tons rubis ou grenat ? Il faudrait que je retrouve le ton exact.
Le portrait de mes grands-parents à leur mariage, ma grand-mère coiffée et habillée à la mode de 1925, très belle, et qui n'avait pas grand-chose en commun avec la dame imposante, sanglée comme dans un corset, et très coquette - permanentée, bijoutée, emperlousée, etc.
Le décès de mon grand-père, en novembre 1967 - j'avais dix ans, mort, non de son catarrhe des tranchées, mais d'une consommation excessive de cigarettes. Et sa messe d'enterrement, en grande pompe, à Sainte-Anne, à Koekelberg, avec drapeau français incliné plusieurs fois, anciens combattants, etc.
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Les brèves de ma grand-mère après son veuvage, ça, c'est une autre histoire...
La carte d'anniversaire de ma grand-mère, vers septembre 1972 ?