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Variations de regard
18 août 2016

Autoportrait en L comme Levé

C'est chez Adrienne... Et Walrus a suivi. je n'ai pas encore lu tous les suiveurs o;)

Mais le texte d'origine est celui-ci :

"Adolescent, je croyais que La Vie mode d'emploi m'aiderait à vivre, et Suicide mode d'emploi à mourir. J'ai passé trois ans et trois mois à l'étranger. Je préfère regarder sur ma gauche. Un de mes amis jouit dans la trahison. La fin d'un voyage me laisse le même goût triste que la fin d'un roman. J'oublie ce qui me déplaît. J'ai peut-être parlé sans le savoir avec quelqu'un qui a tué quelqu'un. Je vais regarder dans les impasses. Ce qu'il y a au bout de la vie ne me fait pas peur. Je n'écoute pas vraiment ce qu'on me dit. Je m'étonne qu'on me donne un surnom alors qu'on me connaît à peine. Je suis lent à comprendre que quelqu'un se comporte mal avec moi, tant je suis surpris que cela m'arrive : le mal est en quelque sorte irréel. J'archive. J'ai parlé à Salvador Dali à l'âge de deux ans. La compétition ne me stimule pas. Décrire précisément ma vie me prendrait plus de temps que la vivre. Je me demande si, en vieillissant, je deviendrai réactionnaire. Assis jambes nues sur du skaï, ma peau ne glisse pas, elle crisse. J'ai trompé deux femmes, je leur ai dit, l'une y fut indifférente, l'autre pas. Je plaisante avec la mort. Je ne m'aime pas. Je ne me déteste pas. Je n'oublie pas d'oublier. Je ne crois pas que Satan existe. Mon casier judiciaire est vierge. J'aimerais que les saisons durent une semaine. Je préfère m'ennuyer seul qu'à deux. J'arpente les lieux vides et je déjeune dans des restaurants désolés. En matière de nourriture, je préfère le salé au sucré, le cru au cuit, le dur au mou, le froid au chaud, le parfumé à l'inodore. Je ne peux pas écrire tranquillement s'il n'y a rien à manger dans mon frigidaire. Je me passe facilement d'alcool et de tabac. Dans un pays étranger, j'hésite à rire lorsque mon interlocuteur rote pendant la conversation."

levé édouard

Adolescente, j'ai longtemps cru que les choses allaient forcément s'améliorer. Que la connaissance viendrait à moi, grâce aux études, et à ces âges si prometteurs, quinze ans, seize ans, dix-sept ans, et dix-huit ans, l'âge du collier de perles. Que je reçus plus tard, d'ailleurs.

A quinze ans, ce fut Liberté, de Paul Eluard, un cahier de français Athoma en carton vert, les bals du lycée après la "fancy-fair", l'Astoria et le premier baiser, à seize ans, ce fut Andromaque et la Chanson du Mal Aimé, à dix-sept ans, ce fut Léo Ferré chante Rimbaud et Verlaine, et la place taillée en mesquines pelouses et à dix-huit ans, j'ai mis le turbo pour sortir honorablement de mes humanités latin-mathématique-français (7 heures) et histoire (3 heures + 1).

Je ne sais pas si j'ai fait des choses extraordinaires, bien que notre professeur d'histoire, lors d'un Tribunal Russell, avait prédit à un journaliste de Libération qui observait notre groupe (il est probable que parler à une élégante quadragénaire accompagnée d'une classe d'adolescentes était plus emballant que les exposés dont on n'entendait de toute façon pas la traduction) que nous irions loin. En fait de loin, je n'ai jamais quitté l'Europe où j'ai quand même vu un chouïa d'Espagne (du temps de Franco), l'Italie à plusieurs reprises, Vienne et ses autels baroques surmontés de crème fraîche, Londres, sans même connaître Virginia ni Vanessa ni Bloomsbury, Weston super Mare et un ballet de petits pois vert tendre dans mon assiette...

Et dans tout ça, je n'ai pas fait la Révolution.

Je suis aussi passée à côté de Laurent Voulzy sans profiter du large sourire qu'il m'a adressée, à la répétition d'une émission de variétés en vogue dans les années 70-80 que d'aucuns appelaient "Chansons à la tarte", j'ai assisté à un concert de Pink Floyd, et j'ai de toute façon côtoyé longtemps un criminel qui est mort impuni. Mais j'ai aussi entendu résonner au plus profond de moi le gong absolu dans le silence sépulchral d'Orval, quand se clôt la journée du moine trappiste.

Mon socle le plus ancien vient de s'écrouler sous moi et je me retrouve les bras ballants, les mots s'entrechoquant, avec un grand vide et de grands doutes non pas sur mes rêves: écrire, photographier, infographier, et mes désirs : être grand-maman et pouvoir m'occuper de mes petits-enfants... Mais sur le quand et le comment. La philosophie m'intéresse médiocrement, l'introspection beaucoup plus, la poésie est tombée de moi comme un manteau usagé, et ce que j'aime par dessus tout, ce sont les glaces, les crêpes, les jus de fruits, tout ce qui est mou et ne me fait pas mal aux gencives.

En somme, on n'a pas l'âge de ses artères, on a l'âge de ses gencives,

François Hollande n'aurait pas dit mieux !

Et pour Satan, ce n'est vraiment pas nécessaire, l'homme y suffit largement (l'être humain veux-je dire).

Et pour le reste, comme le disait si bien Scarlett O'Hara, on verra demain !

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Commentaires
A
hé oui, je dirai comme Célestine :-)<br /> <br /> merci d'avoir joué le jeu, toi aussi!
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W
Weston Super Mare ! J'ai passé mes premières vacances anglaises dans le Somerset (à Porlock), un rêve !
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C
J'ai adoré ton portrait Pivoine !<br /> <br /> Et mine de rien, cet exercice nous oblige à nous dévoiler un peu...<br /> <br /> ¸¸.•*¨*• ☆
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Variations de regard
Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

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