Mademoiselle D***, institutrice de 6ème primaire.
En 1968-69, je suis arrivée en sixième primaire. La dernière année ! La troisième et la quatrième années avaient été plutôt pénibles, (mon apprentissage du calcul mental, de la table de 7, sans parler des fractions (mais est-ce qu'on faisait déjà des fractions? En ont pâti durablement...)
Sans compter la question du style : qu'est-ce que tu préfères ? 1/4 de tarte ou 1/3 ? Et j'étais du style à répondre 1/4, tout simplement parce que je n'aimais pas les tartes aux fruits cuits, à l'époque (j'ai changé, bien entendu!) Mais je me faisais attraper, évidemment...
Notre institutrice était jeune et plutôt jolie, je dirais même sexy (ce qui mettait les religieuses sur le qui-vive, elles craignaient que notre brave instit séduise nos pères (les papas, pas des pères de l'Eglise, s'entend) maquillée, à la mode, dynamique, bref, elle nous plaisait. En ce sens que c'était un modèle enviable pour des pré-adolescentes.
La matière de 6ème me semblait être d'un abord assez costaud. Les problèmes tombaient dru (mais il n'était question ni de trains ni de robinets), et ma mère et moi passions des fins d'après-midi épiques à tout reformuler jusqu'à ce que j'aie compris. La grammaire française et l'orthographe coulaient toutes seules... Et puis, en fin d'année, nous aurions l'Examen diocésain (dans l'enseignement officiel, c'est-à-dire non confessionnel, il s'agissait de l'examen cantonal), et nous avons eu un banc d'essai avant noël.
C'est là que j'ai découvert les questionnaires à choix multiples et en mathématique, cela m'a bien aidée. Je ne sais pas expliquer, je maîtrisais et vérifiais mieux la justesse du raisonnement et débusquais plus facilement les erreurs de calcul.
Au moment de tenter de l'évoquer, je ne sais pas très bien comment la caractériser. J'ai tout de même dû "sentir" certaines choses, car aujourd'hui, nous sommes souvent d'accord sur pas mal de questions. Et c'est une littéraire (même si nous lisons des lives très différents).
J'ai l'impression qu'elle n'exerçait pas de discipline. Cela s'imposait de soi-même. Je dirais presque que nous avons expérimenté l'auto-discipline chère à mon futur Lycée d'Ixelles. Bien sûr, le cérémonial typique du Sacré-Coeur était toujours là, les "Notes" toutes les deux semaines (c'est-à-dire la remise solennelle des bulletins dans la salle des fêtes, en présence de "La Révérende Mère"), la remise des trois croix (de sagesse et de quoi encore ?) la remise des rubans roses pour celles qui avaient reçu plusieurs croix (dans mon souvenir, il fallait avoir trois croix pour avoir un ruban rose).
Ah ! Ce ruban rose... L'objet de tous mes désirs ! J'en ai eu un seul, sur six années... Une simple cordelière. C'était joli, ce rose sur le bleu marine de l'uniforme.
Et puis, avec elle, (mais cela faisait partie du programme), nous nous sommes "branchées" sur l'actualité. Les J.O. de Mexico (mais qu'en était-il du contexte social au Mexique de l'époque? Je ne sais pas trop...) Les missions Apollo, et, elle me l'a rappelé récemment, la visite de la maison d'Erasme, qui allait jouer un rôle prépondérant dans ma vie. C'était la deuxième fois que je la visitais, la première fois, je l'avais vue avec mes parents. C'était du temps de l'ancien conservateur en Chef, celui qui a fait de la Maison d'Erasme ce qu'elle est devenue, avant que je rencontre l'actuel Conservateur, en 1998.
C'était aussi une bonne vivante, mais ça, je ne le sais que depuis que je l'ai retrouvée. Elle aimait sortir et danser dans les clubs en vogue à l'époque, dans un club restaurant qui s'appelait "L'Os à moëlle"...
En septembre 1969, je suis entrée en humanités. Quelques années après, elle s'est mariée, elle a eu un fils, après quoi, elle a abandonné l'enseignement, et, aujourd'hui, elle est grand-mère.