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Variations de regard
5 novembre 2016

Au lit (2)

Jusqu'à mes dix ou onze ans, j'ai dormi dans un coin de la chambre de mes parents. J'avais un joli lit colonial, en fer forgé noir, une table de nuit assortie. En 2014, quand mon frère a vidé en toute hâte l'appartement de mon père, il a trouvé un vide-grenier qui demandait six cents euros pour casser le mobilier dont personne n'avait voulu. Il restait un lustre, que j'aurais bien aimé avoir, mon lit de jeune fille que j'aurais dû évidemment récupérer...

J'ai laissé partir l'horloge "Big Ben" que j'aimais chez mon frère, ainsi que la plupart des bibelots. Maintenant, il dit que tout ça n'a aucune valeur et ne l'intéresse pas.

Mon frère a proposé que nous coupions la poire en trois: combien allais-je mettre? Mon père paierait une partie, lui une autre partie. J'ai proposé et versé 300 euros et, après vérification, il a pris les 300 euros restants sur le compte de mon père et n'a rien payé.

Le fer forgé de mon lit et le lustre ont fait un peu baisser la facture. Sans doute les morceaux de lit sont-ils partis vers les anciens pays de l'Est, avec le cuivre et les métaux volés à la SNCB.

Heureusement que j'avais gardé la table de nuit, je l'utilise encore.

C'est sordide, mais comme mon frère m'attaque sur des questions financières, dans la succession de mon père, il faut bien que je rétablisse la vérité (une des vérités).

***

Le soir, donc, je me couchais, après dents lavées, figure lavée - dans la cuisine car la salle de bains était trop froide. Nous avions un petit bassin pour la petite toilette, un plus grand bassin pour une plus grande toilette et on faisait bouilllir de l'eau chaude dans la bouilloire - nous n'avions pas l'eau chaude courante dans la cuisine. Après, je montais, on me faisait faire ma prière, ma mère ou mon père redescendait, je ne pouvais pas trop m'admirer dans le miroir, puis, je rallumais ma lampe de chevet, je m'enduisais les lèvres de beurre de cacaco et je lisais. les Johan et Pirlouit, la Comtesse de Ségur, les albums de Heidi que mon grand-père avait édités en 1947 chez Artis, oh, l'association du goût du beurre de cacao et du séjour de Clara sur l'Alpe.

Ce que je préférais, c'est dans le deuxième tome, quand Clara Sesemann arrive sur l'Alpe et vit avec le grand-père et Heidi. Cela me semblait merveilleux d'avoir une soeur, une amie.

Je reconnais qu'au début que j'avais mon lit, (j'avais sept ans à peu près), mon frère, qui dormait dans la chambre voisine, venait m'y rejoindre et on s'amusait, papotes innocentes, tendresses enfantines, dont il ne reste rien, aujourd'hui, rien d'autre que le souvenir.

Vers dix heures, mes parents allaient monter, j'entendais du bruit, en bas, j'éteignais ma lumière, je déposais mes livres (plus tard, il y eut Rouge et Or, Amitié Histoire, etc.) et je faisais semblant de dormir. En passant une main sur ma lampe de chevet, ils savaient évidemment que j'avais lu.

Mais ils se couchaient parfois directement, et les disputes commençaient, à mi-voix. Je restais dans le noir, les yeux grands ouverts, à écouter les griefs de ma mère et les défenses de mon père (à propos de l'achat d'une voiture).

Quelques années plus tard, mon frère est monté au second étage, et j'ai eu la chambre côté jardin... Je jouais, je lisais, je dessinais, j'écrivais, je m'étais inventé une famille à Paris, chez qui, devenue orpheline, j'allais vivre...

Curieux, non ?

Il est probable que cette histoire inventée - et inspirée des anciennes "Semaine de Suzette" que ma mère rachetait chez les bouquinistes, "les enfants de Marraine" (c'était le titre que j'avais choisi), a pris de l'épaisseur après mes douze ans, après avoir vu Paris pour la première fois, et en être tombée passionnément amoureuse.

 

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Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

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