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Variations de regard
14 août 2017

Florence L. Barclay, "Le rosaire"

L'Honorable Jane Champion a trente ans lorsqu'elle se rend à  une "fin de semaine" chez sa tante, la duchesse de Meldrum, où est réunie une société choisie. "Tante Gina", sa seule famille, est une vieille dame fantasque, qui confond laryngite et appendicite, a un perroquet, et, dans  le fond, adore sa nièce.

Jane Champion - on le découvrira au fur et à mesure  du roman - est le prototype de la femme parfaite, même si ses qualités sont davantage masculines que féminines (elle a servi comme infirmière-major lors de la guerre des Boers). Elle vit seule (on ne sait pas où exactement), est fille unique, est très grande, pas très belle, de visage, du moins, c'est ce qu'elle pense, et est fort riche. C'est dire qu'elle se méfie de toutes les demandes en mariage qui lui sont adressées, que celles-ci viennent de vieux noceurs désireux de se ranger avec une femme pas trop regardée, et donc pas trop regardante, ou de jeunes flambeurs ayant envie d'être freinés dans leurs excès.

A Overdene, elle retrouve un jeune ami peintre, Garth Dalmain, 27 ans, portraitiste, bel homme, raffiné, amoureux de toutes les femmes, celles qu'il peint, désire peindre, mais qu'il oublie tout aussitôt. Quand l'histoire commence, elle a une longue conversation avec lui, sur son art, sur les portraits, sur ses modèles, sur son souhait qu'il se marie, et sur la beauté en général. Il évoque un pasteur qu'il a connu, dont la laideur l'aurait empêché, dit-il, de l'avoir à sa table toute une vie, mais dont l'âme et le caractère étaient si beaux, qu'on ne voyait plus que l'intérieur du personnage.

En même temps, la duchesse apprend que sa principale attraction de la soirée, la cantatrice Velma, ne pourra pas venir chanter le soir, à Overdene. Or, elle devait interpréter une romance très à la mode, "Le rosaire". Très simplement et à la grande stupéfaction de Garth Dalmain, Jane propose de remplacer Velma et d'interpréter "Le rosaire". Soulagée, la duchesse accepte. Garth lui proposerait bien de l'accompagner, mais il sait que la mélodie est difficile à jouer. Jane assure qu'elle saura s'en tirer et qu'elle préfère s'accompagner elle-même. Puis, elle rentre dans sa chambre, note leur conversation dans son "diary" et finalement, se prépare pour la soirée.

Lorsque la duchesse annonce à ses invités que Velma est malade, et que c'est Miss Champion qui va la remplacer, l'accueil est tiède. Garth Dalmain, qui aime bien Jane, est inquiet pour sa "camarade", mais Jane a l'air plutôt indifférente aux différentes réactions du public, et elle se concentre sur sa musique.

Bien entendu, Jane est une chanteuse hors pair et tout le monde l'ignore. Elle a pris des leçons de chant auprès de grands professeurs, et elle a l'étoffe d'une cantatrice. Elle est ovationnée, renonce aux "bis", mais quand elle descend l'estrade, elle trouve Garth Dalmain dans un état extraordinaire, très pâle, mais les yeux brillants. Il lui ordonne de remonter sur l'estrade et de recommencer "mot pour mot, note pour note..." Elle joue d'abord un morceau de Haëndel, puis se décide à réinterpréter "Le rosaire", qui est une romance sur l'amour - l'amour heureux, puis malheureux ensuite.

Lorsqu'elle retrouve Garth Dalmain, il est métamorphosé. La romance, que Jane a interprétée comme si elle la vivait, lui a révélé la femme dans toute sa profondeur, pas seulement ses qualités, qu'il connaît déjà bien, mais aussi et surtout son coeur et toutes ses possibilités d'aimer. Pendant plusieurs jours, ils jouent et chantent ensemble, et il lui fait sentir qu'il l'aime (évidemment), exprimant son bonheur quand elle entre dans une pièce, et laissant sentir son désarroi quand elle s'en va.

Elle rentre à Londres, sachant qu'elle va le retrouver pour la fin de semaine suivante, chez une amie, lady Myra Ingleby.

Elle retrouve un couple d'amis, le Docteur Deryck Brand et sa femme, trouve le temps long, et prend enfin le train pour Shenstone où elle sait retrouver Garth. Garth est en plein match de tennis quand elle arrive dans le parc. Saisi, il commet deux erreurs qui trahissent son trouble. Seule, une jeune Américaine, Pauline Lister, fait le lien entre l'arrivée de Jane et les erreurs de jeu et comprend tout. Tout le monde - Jane comprise - songe à les marier, Pauline et lui. Garth Dalmain demande alors un entretien à Jane, le soir, après le repas. Jusqu'à la fin, elle croit qu'il va lui annoncer son mariage avec Pauline, mais à sa grande stupéfaction et pour son plus grand bouleversement, c'est à elle qu'il fait sa déclaration. Bouleversée, elle serre son visage contre son sein (pour qu'il ne voie pas son propre visage, qu'elle trouve si ingrat), et fou de bonheur, interprétant son geste comme une acceptation, il l'appelle "ma femme" et pense que son amour est entièrement réciproque. Mais elle demande une nuit de réflexion...

Et pendant la nuit, elle relit son journal, depuis la retranscription de leur première discussion, à Overdene, sur la beauté et la laideur.

Au petit matin, faisant taire ses émotions profondes et contradictoires, elle décide de refuser la demande en mariage de Garth, le tout étant de trouver un motif suffisant pour qu'il s'incline sans insister.

Et elle lui dit ceci, en rappelant leurs discussions : Garth, j'ai trente ans, je m'en sens quarante, vous avez vingt-sept ans et vous dites parfois sentir avoir neuf ans, vous comprendrez donc que je ne puis épouser un enfant.

Médusé, il reste immobile, fait allusion à la croix du Rosaire et convient, effectivement, qu'elle ne peut épouser un enfant. Il la salue et il s'en va. Dès lors, Jane est la proie du désespoir. Bien entendu, elle l'aime en retour, et seule, sa peur d'être un jour délaissée ou trompée, lui a dicté cette réponse. Elle espère qu'il va revenir, mais Garth Dalmain est un héros parfait, il ne revient pas, et part définitivement. Il continuera de peindre les femmes de la bonne société, mais ne se mariera pas.

***

Quelque temps après, le docteur Deryck Brand constate que Jane dépérit. Elle avoue - à moitié - ce qui lui est arrivé, et il devine, à moitié, ce qui s'est passé, car il a vu aussi la métamorphose de Garth Dalmain. Il conseille à Jane de faire un grand Tour, l'Himalaya, l'Egypte, bref, de partir et de réfléchir. Au retour, elle lui racontera ce qui s'est passé exactement. Elle accepte et s'en va.

Nous la retrouvons trois ans plus tard, au sommet de la grande Pyramide, puis à l'hôtel, dans un patio où elle boit un café. Elle songe à Garth Dalmain et se rend compte qu'elle n'a pas pu l'oublier. Elle décide aussitôt de rentrer à Londres pour tout lui dire et tâcher de rattraper le temps perdu, quand un groupe d'Anglais en vacances s'assoit non loin d'elle et commente un accident qui a eu lieu en Angleterre.

Un jeune homme a reçu une balle perdue et est devenu aveugle. Tous s'apitoient et elle demande son exemplaire du Times au doyen du groupe . C'est d'ailleurs un général qu'elle a connu (peut-être pendant la guerre des Boers) et en lisant l'article du journal, elle a la confirmation du drame : bien qu'on ne soit pas pendant la saison de la chasse, Garth Dalmain a voulu intervenir auprès d'un groupe de braconneurs, un coup est parti, par accident la balle a ricoché contre un arbre et l'a frappé aux yeux.

Il n'en faut pas plus pour que Jane quitte l'Egypte, sur le champ, pour rentrer à Londres, et file chez son ami Deryck Brand à qui elle raconte tout depuis le début. Y compris la raison exacte pour laquelle elle a refusé ce mariage qui lui semblait fou. Elle décide de rejoindre Garth, pour l'aider et le soutenir, mais bien entendu, celui-ci ne veut pas en entendre parler. Si Jane l'a refusé quand il était en bonne santé, elle l'accepterait alors qu'il est malade et diminué, et il ne veut pas de sa pitié. Le docteur et Jane finissent par avoir recours à un subterfuge, elle va partir en Ecosse, chez le jeune homme et s'introduire auprès de lui sous le déguisement d'une secrétaire, Nurse Rosemary. Naturellement, elle est bouleversée, tout en découvrant les proches et amis de Garth, son médecin, le Dr Robbie (qui l'a vue à l'oeuvre en Afrique) et la femme de charge du château, qui a élevé "Master Garthie" et l'aime comme son fils.

Jane / Rosemary se met donc au travail (c'est téléphoné, dans la réalité, il se serait rendu compte tout de suite du subterfuge, mais bon, admettons !) et peu à peu, gagne la confiance de son malade... Petit à petit, il en vient à évoquer Jane Champion devant elle-même, et elle se rend compte qu'il l'aime toujours. S'engage alors une discussion entre eux où Rosemary trouve qu'il devrait écouter ce que Jane a à lui dire, mais où lui refuse toujours. Petit à petit, elle reconnaît aussi qu'en l'ayant refusé, pour leur bonheur à tous deux, lui semblait-il, elle a surtout pensé à elle. A sa peur d'être repoussée. Elle n'a pas pensé une minute qu'il l'aimait vraiment (bien que je ne sache pas si un tel amour existe, hum), etc. etc. Je passe je passe...

Jusqu'au moment où Rosemary - Jane écrit une longue lettre à Garth, qu'elle signe "Votre femme", en lui demandant - s'il accepte de la revoir, d'écrire un seul mot "pardonnée", et qu'en tant que nurse Rosemary, elle lui lira elle-même.

Je vous laisse deviner la suite o:))) Et la fin...

Portrait_of_Florence_L

Wouah ! J'ai trouvé ce livre dans la bibliothèque de l'hôtel Astoria, pendant les vacances de Pâques 1976, alors que je terminais ma rhéto, et que j'avais toute ma fin d'année à préparer (contrôles généraux, examens oraux, examen de maturité et perspective de l'entrée à l'université, en septembre). Je l'ai dévoré, j'étais une dévoreuse de romans sentimentaux sans précédent (et j'ai lu bien pire plus tard!) tout en lisant Gide, par exemple, ou Julien Green ou Faulkner. Je crois que les auteurs comme Florence Barclay me reposaient des autres, plutôt mortifères.

Finalement, je l'ai emporté, et je l'ai gardé. J'ai lu d'autres livres de Florence Barclay, que j'ai oubliés. Il y avait "Le jardin clos de Christobel" où la femme est aussi plus âgée que le héros, je crois, et "La châtelaine de Shenstone". Et d'autres que j'ai oubliés.

Ce style de livre a pâli, comme son écriture, qu'on ne retrouve plus nulle part (bien que ce soit une traduction), comme l'encre d'imprimerie qui s'efface, sur le papier acide et de mauvaise qualité de cette sorte d'édition...

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Commentaires
P
Bonjour Jean-Jacques, oui, je vois ces revues... Dans "Femmes d'aujourd'hui", un hebdomadaire belge, longtemps, il y a eu un roman-photos. Il y a encore je crois des revues spécialisées. Et puis il y avait des feuilletons même dans les quotidiens. Et dans la plupart des hebdomadaires (même d'information). Rien que le quotidien belge "La Libre Belgique" plutôt catholique, avait son encart "La Libre féminine" (une de leurs anciennes journalistes est une blogueuse que j'apprécie beaucoup - et sa mère aussi), le feuilleton quotidien, et même une "libre Junior" qui paraissait le mercredi. <br /> <br /> J'imagine pour les mouchoirs...<br /> <br /> J'ai eu un ami dont la sensibilité est "sortie" après un événement tragique (je dois bien le reconnaître) et lui qui n'avait jamais pleuré de sa vie, qui regardait les thrillers les plus costauds, pleurait devant la fin des épisodes de "Joséphine Ange gardien". J'avais une boîte de mouchoirs et je lui en tendais un. Ca finissait en fous rires o:))) <br /> <br /> <br /> <br /> Merci pour la fin de semaine, elle fut bonne (enfin, elle n'est pas finie!) <br /> <br /> <br /> <br /> Vous lire ici me fait toujours plaisir, merci o:)
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J
En lisant votre chronique, j'ai tout de suite eu un souvenir qui est remonté... Les souvenirs s'entassent et forment, comme dans la roche, des strates. Un événement, une lecture ou une conversation font remonter des couches enfouies dans nos mémoire. <br /> <br /> Ma mère, vers la fin des années 1960, passait dans un kiosque à journaux une fois par semaine pour acheter une revue. A l'époque, on ne disait pas revues mais journal. Une habitude qui s'est perdue, c'est de rouler la revue et de la faire tenir avec un élastique. L'hebdomadaire se nommait "Mode de Paris". Outre des articles sur la mode, il y avait un roman photos et un feuilleton. En lisant ces feuilletons, ma mère s'armait d'un mouchoir. Parfois mon père hilare nous soufflait, "-Va apporter un mouchoir à maman!"<br /> <br /> Ce devait être des histoires d'amour au destin tragique qui faisaient palpiter le coeur des ménagères de l'époque, maintenant, il y a les émissions de télé réalité.<br /> <br /> J'aimerai lire le roman de votre chronique, je suis sur que je serait emporter...<br /> <br /> Je vous souhaite une bonne fin de semaine. <br /> <br /> Jean-Jacques'60<br /> <br /> Depuis la terrasse de la piscine de Berthoud, par une belle soirée de mi-août (le 17) 2017
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P
Je vais regarder ça Heure bleue... Il y a aussi 'Mon oncle et mon curé ' et 'Ces dames aux chapeaux verts '.
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H
J'ai adoré "tante Mame", j'ai oublié l'auteur, j'aime bien les romans légèrement démodés.
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P
Ah Célestine, j'espère que tu vas bien. Bon retour dans la blogosphère. Je puis bien 'spoiler' comme on dit...<br /> <br /> Après avoir lu toute la confession de Jane Champion, Garth écrit 'Aimée'.<br /> <br /> Rosemary peut donc se faire reconnaître, ayant demandé à sa tante de venir en Écosse.<br /> <br /> Ils se marient par licence spéciale et on sent que Dalmain deviendra musicien... Et de fait.<br /> <br /> <br /> <br /> Dans un autre ouvrage, 'la châtelaine de Shenstone' ou l'histoire de lady Myra Ingleby, veuve de guerre, Jane refait sa réapparition. On sait qu'ils ont un fils... <br /> <br /> <br /> <br /> Voilà. Mais j'aime moins celui là que le Rosaire...<br /> <br /> <br /> <br /> Ça ne mange pas de pain en effet pourvu qu'on sache que ce n'est pas la réalité 😉.
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Variations de regard
Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

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