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Variations de regard
19 août 2017

Trouvez le titre...

Mes parents m'ont offert deux albums des éditions Gautier-Languereau quand j'étais toute jeunette, quelque chose comme "mon premier livre d'art" et "Beaux costumes". Ma mère voulait m'offrir le troisième de la collection, "mon premier livre de poésie" et je refusais ce cadeau avec acharnement.

Pour moi, la poésie, ça se limitait à La Fontaine (que je n'aimais pas trop, pour diverses raisons), à Prévert, qu'il fallait apprendre par coeur (et ce n'était pas "Barbara") et à Maurice Carême, et pas "Brabant", non, mais des poèmes sur la mère, le printemps, les animaux, les bons sentiments, etc. Bref, de la guimauve.

Et puis un jour, la lumière fut. Dans un journal pour adolescents, j'ai lu des strophes d'un poème splendide, que tout le monde connaît bien sûr, mais qu'à quinze ans, je n'avais jamais entendus.

"(...) Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom

Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté."

Paul Eluard

Poésie et vérité 1942 (recueil clandestin)
Au rendez-vous allemand (1945, Les Editions de Minuit)

Ce fut un émerveillement, une découverte. Puis, il y a eu Apollinaire, Verlaine (Après trois ans), Max Jacob, Geo Norge, encore Eluard (Couvre-feu), Rimbaud - et le disque de Léo Ferré, Baudelaire, les surréalistes, je ne vais pas tous les citer.

Un jour, j'ai demandé, tout compte fait, qu'on m'offre cette anthologie (celle-là, et d'autres).

***

Récemment, en villégiature chez des amis qui sont censés aimer la poésie, nous évoquions des lectures de textes. Ils étaient allés à des funérailles, n'avaient pas eu envie d'écrire un texte et avaient simplement choisi de dire... Un poème de Maurice Carême, dédié à... Mme Carême mère. Il l'a lu devant nous. J'ai pris un air religieux, (tout en ayant le plus grand respect pour leur deuil), en ayant soin de ne pas regarder du côté de la Rose, qui elle aussi ferme les yeux, pour ne pas, avoir de fou-rire nerveux. Si on faisait mine de se regarder, ce serait fichu.

Par contre, quand je parle incidemment d'Eluard, et de Liberté, à cet ami, comme ayant été un "déclic" chez moi, en matière de poésie, il revient toujours avec des textes qu'Eluard a écrits, en 1950, à la gloire de Staline.

"Ode à Staline (1950)

Staline dans le coeur des hommes
Sous sa forme mortelle avec des cheveux gris
Brûlant d'un feu sanguin dans la vigne des hommes
Staline récompense les meilleurs des hommes
Et rend à leurs travaux la vertu du plaisir
Car travailler pour vivre est agir sur la vie
Car la vie et les hommes ont élu Staline
Pour figurer sur terre leurs espoirs sans bornes.

Et Staline pour nous est présent pour demain
Et Staline dissipe aujourd'hui le malheur
La confiance est le fruit de son cerveau d'amour
La grappe raisonnable tant elle est parfaite"

Bon, je ne suis pas sûre qu'après avoir lu cela, j'aurais aimé la poésie.

Mais je sais qu'après ça, j'ai relu attentivement la biographie d'Eluard dans La Pléiade, pour essayer de comprendre le contexte. Eluard était très militant au sein du parti communiste, avant et après la guerre, il avait des divergences de vues avec le PC français, et il est mort presque un an avant la mort de Staline.

Je ne cherche pas à excuser ou à défendre, mais à comprendre. Et avec eux, comme il s'agit de dossiers sensibles, je n'insiste pas. Car il argue tout de suite que d'autres intellectuels français étaient allés en URSS et en était revenus, les yeux dessillés sur l'Urss.

Résultat, nous ne parlons plus de poésie, nous n'aimons pas la même poésie. Il est très XIXème, vieillissement du corps, mélancolie, vers réguliers, rimes ou non de mirliton, perte de la beauté, femmes qui n'ont pas eu d'enfants, dolorisme et cie. C'est dommage. J'aime bien converser au sujet de la poésie. Ca me manque, parfois.

Pour moi, la poésie, c'est autre chose...

Mais quoi ?

ernestdesnos1

Ernest Pignon Ernest, Collage à Paris, dédié à Robert Desnos et Louise Lame.

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Commentaires
P
Les artistes se sont mis parfois dans des positions délicates rien que du temps du nazisme... <br /> <br /> <br /> <br /> En l'occurrence chaque fois que je parle d'Eluard et qu'on me répond Staline, je trouve cela pauvre.
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N
Et si un autre poète de ce niveau avait écrit aussi une ode à la liberté, mais également, d'autre part, un poème à la gloire de Mussolini ? <br /> <br /> <br /> <br /> Je pense que là aussi, on devrait essayer de comprendre, d'analyser, d'expliquer, sans pour autant accepter ces errements...
Répondre
P
Pour moi la poésie est un rythme, qu'importe les paroles, je me laisse bercer par la voix et la musique de cette voix.<br /> <br /> J'aime aussi les poèmes mis en musique.<br /> <br /> Mais bien sûr après je lis quand mm le poème. Même si je ne comprends pas toujours tout.
Répondre
A
la poésie, c'est dire un maximum de choses en un minimum de mots :-) <br /> <br /> on a le droit de ne pas être d'accord ;-)
Répondre
Variations de regard
Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

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