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Variations de regard
25 septembre 2017

Conte du lundi 77 (Lakévio)

Pour Lakévio, le conte du lundi, d'après un tableau du vendredi, et le gentil devoir du week-end o:)

C'est vrai que longtemps, je me suis couchée de bonne heure...

Normal, en septembre, avec la rentrée, et quelques jours plus tard, mon anniversaire, nous entrions de plain pied dans l'automne et l'année scolaire - ou académique...

Et tout soudain! Bruxelles et ses marronniers!   Ô Bruxelles et ses marronniers...

"Le vent prend la place des promeneurs et joue avec les feuilles mortes, les automobiles vivantes.

Je n'ai garde d'oublier les marronniers de cette avenue, que l'on ne saurait trop aimer.

Ils respirent de toutes leurs forces, ils tiennent de la place,

ils sont à Bruxelles ce qu'est la Seine à Paris, le Vésuve à Naples.

Beaucoup de Bruxellois ne l'ont jamais su."

Odilon-Jean PERIER (Bruxelles, 1901-1927),

"Lettre ouverte à propos d'un homme et d'une ville", (Sang Nouveau, 1933).

Paul Rafferty

Dans le jardin de la maison, rue Van Eyck, il n'y avait pas de marrons. Ni d'Inde ni de châtaignes. Mais des noisettes, oui. En abondance. Et des poires non comestibles. Il fallait absolument ramasser les poires, énormes, et aller les mettre "au compost", sinon, l'hiver venu, on s'enfoncerait dans la neige et les poires en décomposition.

Avenue Louise, les trams freinaient dans un grand crissement de roues et de feuilles brûlées, dont je sens encore l'odeur, qui me transportait. Les coques de marrons éclataient, les bouquets de feuilles volaient, l'avenue était dorée, mordorée, et le tram, jaune et bleu, filait dans une grande envolée de parfums, de branches et de poussière.

A l'école aussi, il y avait des marronniers. Mais dans le jardin côté humanités. On ne pouvait pas y aller, sauf exception. Et avec nos institutrices. Dans notre cour de primaire, il y avait par contre un châtaignier et des petits poiriers. C'est dire que les marrons qui arrivaient jusqu'à nous étaient denrée rare et, donc, objets d'âpres disputes. Ils servaient aussi aux leçons de choses, ou même à l'arithmétique, par le biais de colliers de diverses tailles.

Aujourd'hui encore, à la mi-septembre, quand je pénètre dans la cour de l'Ecole des Arts, je tombe en arrêt devant les marrons jonchant le sol, en abondance. Je ne puis m'empêcher d'en ramasser. Ils sont beaux, lisses, brillants, un peu humides, légèrement nervurés, mais d'ici quelques semaines, ils finiront par se dessécher.

Notre prof d'infographie, qui est drôle et voit des visages partout, dans les bananes, les fraises, les verres de bière, les crêpes et les oeufs sur le plat... Dessine deux yeux, une bouche et pose un marron sur le haut de nos écrans. Petit cadeau d'automne.

Et l'on se met à l'ouvrage, tandis que l'équinoxe de septembre souffle dans la cour. Sur nos écrans s'élaboreront lentement images monochromes, drapeau belge en 2029, petit livre rouge, livre bleu et noir, images détournées... Nous aurons de quoi nous occuper. A 21 heures passées, lorsque la sonnerie de l'école retentira (bruit aussi délicieux à mon oreille que les marrons de mes souvenirs), le concierge de l'académie viendra nous rappeler à l'ordre. En bermuda et tee-shirt, il se pavane et prestement, on remballe tout, clés usb, impressions, livres, feuilles de peinture.

Puis l'on s'engouffre dans la cour noire. Dans la froide nuit anderlechtoise...

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Commentaires
V
C'est joliment raconté.
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Q
Je ne dirais pas que 1975 et 1979 étaient de belles années, mais Bruxelles avait encore quelques particularités bien à elles. Je sais qu'il existe un site (flick je crois) où il y a un grand nombre de photos de Bruxelles de l' année 1980 à peu près.<br /> <br /> <br /> <br /> Odilon-Jean Périer fut un grand poète belge, mais sa "carrière" fut brève en raison de son décès précoce. Il est je crois mon poète préféré, pour des raisons assez curieuses de proximité, à des années lumière cependant - nous avons vécu dans le même quartier et fréquenté les mêmes écoles... Enfin, toute proportion gardée o:)
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J
Votre billet m'emporte dans une foule de souvenirs... Les marronniers de mon enfance, nous habitions en face d'une école et dans la cour il y avait des marroniers. Bruxelles, le nom de cette ville était souvent dans nos conversations, la soeur de ma grand-mère paternelle y habitait, ainsi qu'une de ses 3 filles. J'ai été 4 fois à Bruxelles, entre 1975 et 1979...<br /> <br /> J'aime aussi l'extrait de "Lettre ouverte à propos d'un homme et d'une ville".<br /> <br /> Votre texte nous plonge dans les secrets de l'automne...<br /> <br /> Je vous souhaite une bonne fin de semaine.<br /> <br /> Jean-Jacques'60<br /> <br /> Berne, le 27 septembre 2017
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P
Je ne sais pas s'il faut vous souhaiter de la visiter à nouveau, Bourlingueuse (l'atomium a été rénovée, c'est déjà ça !) - Il y a quand même quelques chouettes choses à voir en Belgique, mais bon... Si on voyage déjà beaucoup o:)))
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B
Je ne connais Bruxelles que pour l'avoir traversée sans s'y arrêter (pas même vu l'Atomium) et j'ignorais la particularité de la présence des marronniers !<br /> <br /> L'une de mes amies, hélas disparue, gardait toujours un marron dans une poche, mais j'ai oublié pour se préserver de quoi : qui pourrait me rafraîchir la mémoire ?
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Variations de regard
Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

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