Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Variations de regard
11 décembre 2017

Témoignages. Le conte du lundi.

C'est chez Lakévio. Le conte du lundi, d'après un tableau publié le vendredi. Cette fois-ci, il faut raconter la scène (ou une scène) du point de vue des trois personnages.

Comme dirait mon fils, à prime abord, cette scène me paraît un peu "chelou" ... Mais allons-y gaiement !

joseph lorusso

Angelica de Wąż-Kostrowicky soliloque :

On est quand même mieux sur une banquette, dans ce café de gare, pour attendre le train. Et puis, nous avons du temps devant nous. C'est pour ça que j'ai commandé une bouteille de vin au centimètre. Feu mon ami (Ah! Le père de Guillaume! Quel amant mon dieu! Quel amant!) disait parfois que j'étais alcoolique. Mais non. Je ne suis pas alcoolique, je n'ai jamais roulé par terre. Ce n'est pas comme ma pseudo "belle-fille" là, elle va finir par perdre l'équilibre et tomber - si Guillaume ne la tenait si solidement. Non. Je ne roule pas par terre, jamais, qu'on ne vienne pas me dire ça.

Je bois un petit verre de temps en temps. Ca me réchauffe. Bon, cette fois-ci, ce n'est pas du très bon vin. Jadis j'en buvais du meilleur, dans les propriétés le long de la Moselle. Celui-ci, s'il tombait sur un tapis, il ferait des trous ou des taches violettes. Mwoui, s'il fait des taches comme ça dans mon estomac, je ne donne pas cher de ma peau. C'est vrai ma fille, tu as charge d'âmes. Et puis non, ils ont quand même l'âge de se débrouiller sans moi. Je peux bien m'octroyer un petit centimètre encore de cette piquette qui n'est pas d'appellation contrôlée.

Et puis, ce train, quand est-ce qu'il va arriver ? On a bien de la chance que la patronne de la buvette ait accepté qu'on passe la fin de la nuit ici. Comme cela, nous pourrons prendre le premier train qui passera. N'importe lequel, jusqu'à la prochaine ville.

Ah! Mon Guillaume, si seulement tu pouvais nous lire ou nous dire quelques vers... Oui, oui, tu ne veux pas me le dire, mais moi, je sais bien que tu es doué pour écrire, mon petit...

Bon. Je n'ai  vraiment pas envie que le tenancier de l'hôtel d'où nous sommes partis en catimini, en laissant notre ardoise à tous trois, et quelques bagages dans la chambre, avec un mot sur la porte "ne pas déranger", évente trop vite notre fuite et arrive ici pour nous faire arrêter et nous fourrer en prison...

On serait vraiment mal barré.

***

Guillaume de Kostrowitzky (simplifions)

Ma mère nous a encore fourrés dans une situation impossible. Et je n'ai pas vraiment l'âge de subvenir à  nos besoins. Je suis sûre qu'elle va disparaître dans un casino quelconque, en pensant que le jeu va lui permettre de se "refaire". Ou alors, dans le casino, elle ne boira que de l'eau, mettra sa robe la plus élégante et draguera. Elle trouvera bien un colonel quelconque ou un riche bourgeois pour l'entretenir quelque temps et nous pourrons souffler. En attendant, moi, je suis là, entre ma mère et mon amie, endormie, et ce n'est pas vraiment la situation rêvée. Elle boit son vin, elle, mais moi j'ai froid. Le vin, là, ne m'intéresse pas trop. Je ne vois pas ce qu'on pourrait faire dans ce trou wallon d'où nous sommes partis - même si c'est joli ces montagnes, il faudra un jour que je creuse de ce côté-là. Pas ici, c'est trop petit, mais le long du Rhin. C'est beau le Rhin. Le Rhin est ivre où les vignes se mirent... Joli ça!

Il doit bien y avoir moyen d'y travailler. Je ferai n'importe quoi pour ça !

Mais pour le moment, il faut qu'on retourne à Paris. C'est à Paris que cela se passe. C'est là que notre destin s'accomplira. Et même si on vit petitement, ma mère est belle, elle s'en sortira, et moi, j'ai une plume, j'écrirai des vers enflammés à la gloire des femmes, elles adorent ça, elles seront flattées, elles m'aimeront.

Même mal. Je suis le mal aimé ! Je s'rai le mal aimé. Ah! C'est pas mal ça comme rythme. Poème ou chanson, cela fera un tabac. On en parlera encore dans deux cents ans... Je s'rai le mal aimé. En livre. Mais pas dans la réalité.

Mais Paris, Paris ! Ah! On n'est pas encore rendu...

***

Sara rêve

Des verres qui s'entrechoquent, pas l'habitude. On dirait qu'il y a un narcotique dans ce vin. Les collines succèdent aux collines, les locomotives furieuses qui hurlent dans la nuit. Guillaume, Guillaume, ne va-t-il pas en profiter pour me laisser ici? Je me suis laissée faire. J'ai cru ses belles paroles, ses promesses d'épousailles. N'ai-je pas fait une sottise? N'aurais-je pas mieux fait d'épouser le fils du fermier voisin? Je ne suis qu'une petite servante d'auberge. Je ne suis qu'une petite Ardennaise. Même bleue. Les Ardennes bleues. L'iris des yeux de Guillaume est bleu comme les Ardennes. Son bras est fort puissant et me retient au bord du gouffre.

Il ne faut pas se donner trop vite à un homme. Maman me l'a toujours dit.

Et elle. Elle sa mère? Elle me regarde avec Hauteur. Elle se dit que je ne tiens pas la route. C'est que je n'ai pas l'habitude du vin moi. C'est rouge, c'est âcre, c'est mauvais. Ca fait tourner ma tête. Je préfère une bière fraîche, en été, à table, avec des amis, devant l'auberge. Au bord du chemin. Stavelot est une bien jolie ville. Peut-être devrais-je y rester.

Peut-être ne devrais-je pas prendre le train avec eux?

Où est-ce que cela me mènera ?

Publicité
Publicité
Commentaires
P
Ne fais pas la modeste....(le rose aux joues), brodé, le texte n'en est que plus beau!
Répondre
P
Bah, j ai brodé à partir de deux personnages qui existent déjà.
Répondre
P
Qui dit que tu manques d'imagination ?<br /> <br /> Superbe ce texte, bravo.
Répondre
R
Quand on sait que l'artiste adorait s'imprégner des situations pour manier le pinceau toi avec tes mots tu n'as pas de soucis , l'inspiration trace ...quant à moi oui je sais j'ai osé ......<br /> <br /> Bonne soirée <br /> <br /> @ Bientôt
Répondre
P
Bonne idée Claude... J aime bien regarder aussi les personnes mais en métro cela va si vite...
Répondre
Variations de regard
Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

Publicité
Newsletter
Publicité