La deuxième fausse bonne idée...
Des mois plus tard, vraiment des mois plus tard, nous étions à un "drink" dans la bibliothèque de la section des Lettres. On était au mois de mars ou d'avril.
Nous formions un petit groupe agréable, étudiants, et, peut-être, professeurs mêlés, quand j'ai "flashé" sur un gars (je ne sais pas quel terme employer... Mec, ce n'est pas très littéraire, "jeune homme", cela fait antédiluvien, type... Je ne sais pas). Je reconnais que j'ai plutôt "décidé" de flasher sur un gars. Il était prodigieusement cultivé et c'est ce que j'appréciais le plus chez lui. Enfin, il n'était pas mal non plus.
Nous avions d'ailleurs été en "compétition" si je puis dire, lors d'un cours d'analyse littéraire. Nous avions dû analyser le poème "Nuit Rhénane", d'Apollinaire. J'ai toujours aimé les dissertations et les analyses littéraires (comprenne qui pourra). Le professeur et l'assistant avaient retenu quelques analyses, cinq ou six, puis il en était resté deux, la sienne et la mienne, et finalement, c'est à moi qu'ils ont demandé de présenter mon analyse. C'était assez intimidant, mais pas trop. Après tout, peut-être qu'ils m'ont choisie parce que j'étais une jeune fille, justement. C'étaient deux professeurs plutôt bienveillants, et assez réservés. Ils m'ont laissé un souvenir assez positif.
J'avais peut-être un peu d'avance, parce que j'avais déjà étudié Nuit rhénane en humanités, je ne sais pas.
Bref, j'ai flashé sur lui. Une de mes amies m'a assez vite dit "ça ne marchera jamais." Or, on s'entendait bien, vraiment bien, et j'étais aveugle (volontairement aveugle?). Etre aveugle à ce point-là, je me demande encore comment c'était possible. Naturellement, dès que je me suis un peu "découverte", je me suis pris un râteau. Mon amie avait eu raison. Et comme il était très fair-play, il était plutôt désolé. Il ne devait pas, c'était évidemment très superficiel comme sentiment. Mais ça, je n'allais pas le lui avouer.
Puis, il a bien essayé de me dire des choses de façon très sybilline, ce qu'il n'était nullement obligé de faire, peut-être, sûrement même, me tendait-il des perches. Que je n'ai pas saisies. Que je n'ai même pas vues.
Des années plus tard, j'ai compris qu'il ne pouvait s'intéresser à aucune femme. Enfin. Je ne pense pas. A vrai dire, je me suis souvent dit qu'il aurait pu m'en parler de façon plus claire. Je pense que je serais "redevenue moi-même" et que je lui aurais dit que je comprenais. Mais, bien sûr, il ne me connaissait que superficiellement. Il pouvait craindre que je parle... Ce que je n'aurais certainement pas fait. En même temps, j'ai donc fini par très bien comprendre qu'il ne m'ait rien dit nommément.
Il n'y a pas de pire sourde que celle qui ne veut pas entendre. J'avais pourtant une amie qui m'avait prévenue. Et plus d'une fois. Bien sûr, sans explications. Ce que je me suis aussi demandé, plus tard, c'est comment elle avait su, elle, ce que moi j'ignorais.
Je ne sais pas si tout cela pourrait entrer dans un roman. Je peux écrire la précédente histoire avec humour (pourtant, il y a un côté triste). Celle-ci, non. Encore un peu d'ego froissé? Mais je n'avais pas à être si bête. C'est pourtant une histoire assez anodine.
Plus tard, je l'ai parfois croisé, mais c'était devenu un homme adulte. Je ne le reconnaissais pas forcément, et le temps de se croiser, etc. etc.
Bref, c'est à peu près tout ce qu'il y a à en dire...
Bruxelles, en sortant du musée Magritte, en 2018.
A gauche, la Bibliothèque Royale, le Jardin du Mont des Arts...
A droite, le boulevard de l'Impératrice.
Droit devant, Bruxelles et la Tour de l'hôtel de Ville.