Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Variations de regard
4 mars 2019

Chez Lakévio, le conte du lundi...

Le texte à compléter, densifier, doubler, d'après une consigne de Lakévio...

Ce ne sera pas simple, la pêche ne m'attire aucunement, et je n'aime pas les truites. Je n'aime pas la vue des poissons morts... Et puis, un jour, une arête de truite est restée coincée dans mon gosier - chtac ! Transversalement... Mon (ex) mari me l'a enlevée soigneusement, sous un spot, avec un des outils de dentiste de son père qu'il avait gardé. Il y est arrivé, sinon, j'aurais dû aller aux urgences.

Je vais donc devoir faire un effort pour relever ce défi-là !

Et peut-être un peu tricher o;)

Jon Q

Jon Q. Wright - la truite arc-en-ciel.

Une partie de pêche.

Un jeudi, de bon matin, debout sur une roche, je laissai flotter ma ligne dans le tourbillon des belles eaux claires. Ah, quel bonheur, quand au bout de quinze à vingt minutes, en allongeant et retirant lentement l'amorce sur l'eau agitée, tout à coup une secousse répétée m'avertit que le poisson avait mordu et qu'ensuite le bouchon descendit comme une flèche habilement lancée.

C'était un gros ! Je le laissai filer, et puis, relevant la gaule à la force du poignet, une truite colorée fila dans les airs et se mit à sauter au milieu des ronces coupées et des herbes pleines de rosée.

(d'après Erckmann-Chatrian)

***

Un jeudi, de bon matin, je me trouvai enfin en vacances. Je pouvais m'adonner aux nombreuses distractions que m'offrait la campagne montueuse et verte des Vosges. Promenades... Escalade... Excursions... Dégustation de tartines dans les auberges de montagne, accompagnée d'un verre de Riesling. Les servantes d'auberge, blondes et rieuses, m'apportaient volontiers le pain succulent, le vin du Rhin, si lumineux et doré à l'oeil, ou la bière fraîche, tout juste tirée du tonneau. Puis le jambon ou le pâté.

Un chaud parfum se dégageait de leurs bras blancs, et plus d'une me fit un clin d'oeil coquin. Suzel, la plus entreprenante, me suggéra une partie de pêche où elle m'accompagnerait volontiers. "Un jeudi, si vous le voulez bien, c'est mon jour de congé!" 

J'hésitai, me demandant si une partie de campagne avec Suzel ne serait pas une distraction fatale à ma pêche. "Tant pis" me dis-je, "on ne vit qu'une fois".

Elle me rejoignit au bord de l'étang le plus poissonneux que j'avais découvert dans les environs, merveilleusement bleu et vert dans son écrin d'arbres et de rochers... Les carpes menaient leur danse dans les coins vaseux de l'étang, je cherchai un autre endroit et je préparai mes lignes et mes cannes, tandis que Suzel tournait et retournait autour de moi. La mâtine avait revêtu sa plus jolie blouse blanche, à manches ballon, aussi translucide que l'eau d'un lac, son corselet de velours des dimanches, qui lui faisait une taille si fine, et une jupe recouverte d'un coquet tablier... De temps en temps, les bras levés, elle s'assurait du bon ordre de ses tresses blondes roulées autour de sa tête, dans un mouvement qui dégageait son cou ravissant. La rieuse coquine!

Cependant, debout sur une roche, je laissai flotter doucement ma ligne dans le tourbillon des belles eaux claires, les eaux les plus claires de l'endroit. Suzel s'était assise et restait silencieuse. Elle me regardait de côté, tandis que je surveillais les remoux à la surface de l'eau, le vol des demoiselles, partagé entre l'envie de laisser là mes lignes pour embrasser ma compagne d'un jour, et celle de réaliser la performance d'une pêche miraculeuse ! Ah, quel bonheur! Ou quel malheur! Alors que la tentation de tout envoyer promener au profit de Suzel me tenaillait, je tins bon. Quand au bout de quinze à vingt minutes, en allongeant et retirant lentement l'amorce sur l'eau agitée, une eau aussi agitée que mon âme et mon coeur, tout à coup une secousse répétée me réveilla et m'avertit que le poisson avait mordu et qu'ensuite le bouchon descendit comme une flèche habilement lancée. Aussi habilement lancée que les flèches que Cupidon transportait dans son carquois et enfonçait dans le coeur des innocents...

C'était un gros! Je le laissai filer, et puis, relevant la gaule à la force du poignet, sans plus regarder Suzel, qui s'était pourtant rapprochée, une truite colorée fila dans les airs et se mit à sauter au milieu des ronces coupées et des herbes pleines de rosée. La victoire était à ma portée. Mais Suzel se redressa, mutine, avec sa petite manche transparente qui découvrait son épaule et que n'osa-t-elle me déclarer ?

"Finalement, mon cher ami Fritz, je n'aime pas la pêche, je trouve cela un jeu cruel... Ne pourrions-nous sauver cette belle truite? Ne mérite-t-elle pas de vivre?"

"Ah vraiment, ma chère! Je comptais pourtant que l'on me l'accommodât ce soir, à l'auberge... Nous aurions même pu la partager." Finalement, nous allâmes la chercher. Tandis que ma compagne à l'âme sensible se détournait de la vue du pauvre corps tremblant de la belle truite, je la détachai et la plongeai dans un récipient... Que Suzel le voulût ou non, notre repas du soir était assuré.

La délicieuse jeune fille boudait un peu, aussi délaissai-je mes lignes et me rapprochai-je d'elle. Il me fallut la consoler, caresser doucement ses joues, prendre ses mains dans les miennes, ne pas trop regarder ses bras blancs, à la peau transparente veinée de bleu. Oublier, tout d'un coup,l'air sapide des forêts, et que nous étions seuls dans le silence de la nature et que... Et que... Sur ces entrefaites, grave, tout soudain, elle me regarda. Et insensiblement, elle se pencha vers moi...

Il n'y eut plus que le "floc" léger des carpes se balançant à la surface de l'eau... Tandis que les lèvres rondes et rouges de Suzel se posaient -enfin- sur les miennes... Et que son corps léger et tiède se lovait étroitement contre le mien ..................

***

Accompagnement musical, Franz Schubert, "La truite".

Publicité
Publicité
Commentaires
P
Très joli détournement de l'histoire de base, beaucoup de plaisir à lire...
Répondre
P
Je ne sais pas si la carpe est très bonne à manger... c'est peut-être pour cela qu'on la farcit...<br /> <br /> <br /> <br /> Merci Célestine :-) il fallait bien un peu s'amuser. Je vais tenter les impromptus aussi.
Répondre
C
Joli (dé) botté en touches...<br /> <br />  •.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Répondre
P
Merci à vous pour vos lectures... c'est amusant la jeune fille que Fritzl va épouser dans le roman s'appelle Suzel. J'ai toujours trouvé que c'était un joli prénom.
Répondre
A
Et dire que la pêche passe pour un loisir calme! Cette partie-ci est par tes soins un peu agitée. Bravo! Tu as bien géré tes lignes et tu as su nous prendre à l'hameçon ;)
Répondre
Variations de regard
Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

Publicité
Newsletter
Publicité