Contrairement à Pérec...
Je ne me souviens pas des jours, disons qui se sont déroulés entre le dimanche 4 mars 2001, quand je suis rentrée à la maison avec mon père, et le jeudi 8 mars, jour de l'enterrement de ma maman.
Evidemment, depuis dimanche, je pense à elle, c'est inévitable, même si elle s'éloigne dans le temps. 18 ans, c'est beaucoup. Au début que je vivais ici, je rêvais encore souvent d'elle. Maintenant, moins. Ou plus. Ou alors, je ne m'en souviens pas.
Je ne sais même plus si je suis retournée travailler le lundi, ou pas. Etrange période... Mon père et moi avons reçu l'entreprise des pompes funèbres, je suppose que je suis retournée travailler, car je n'étais pas là quand ils se sont arrangés pour les absoutes. J'ai simplement fait dire que je lirais trois textes - extraits de son carnet de pensées et de citations.
Un texte de Nietzsche, un texte très poétique tiré de l'Ecclésiastique, un texte sur la symbolique du terme Germinal.
Bien entendu, si j'avais su, le samedi, quand j'ai quitté l'hôpital, le soir, que le lendemain matin, elle ne serait plus là, j'aurais essayé d'y passer la nuit. Bien entendu, le lendemain matin, c'est mon frère qui m'a annoncé la nouvelle (ce n'était pas vraiment une surprise, je savais très bien qu'elle ne survivrait pas à la chute qu'elle avait faite deux ou trois semaines auparavant, et qui s'était soldée par une fracture du col du fémur). Mais quoi qu'il advienne, on encaisse un choc, et on se sent dans un état très bizarre. Complètement à la masse et à côté de soi. Le corps agit, continue sur sa lancée, et la tête est partie - ou est sonnée.
Mais le plus hard - c'allait être la visite chez le notaire, quelques jours après. Et les ennuis qui ont suivi. Avec mon ex-seconde-belle-soeur, acharnée au gain. Soit. Même la mort n'empêche pas la cruauté. Ce qui m'attriste le plus, c'est que malgré mes avis, ni ma mère ni mon père, (des années après), n'avaient prévu ou voulu prévoir les ennuis qui me tomberaient dessus (ainsi que sur la tête de mon fils, in fine). Réitérant ainsi les ennuis que ma mère avaient connus, quarante ou cinquante ans auparavant, à la mort de ses propres parents (et dont je n'ai pas connu pas tous les détails - certains suffisent amplement).
En somme, ni ma mère ni mon père ne m'ont écoutée. Même lorsqu'ils me demandaient mon avis. Alors, pourquoi me le demandaient-ils? Ma mère était rongée par la culpabilité - par rapport à l'aîné - du coup, je me pose la bonne question: faisait-elle une différence entre un fils et une fille? Ou un aîné et un cadet? Né, selon elle, à une meilleure période? Comme si, du coup, pour moi, tout allait couler de source. Cette question mérite d'être posée... Je dirais qu'elle n'interfère pas avec les sentiments. Elle nous aimait - tous les deux. Mais elle faisait des différences. Et puis, elle n'était pas infaillible.
Elle ne voyait que les soucis professionnels pour mon frère... Et les questions d'ordre affectif pour moi (en clair, faire ou ne pas refaire ma vie? Comment et avec qui? Alors que je sortais d'en prendre) Le problème affectif allait tout autant se poser pour mon frère... Que les problèmes professionnels pour moi. Quant à mon père, elle avait toujours prédit qu'il se dépêcherait de refaire sa vie, ce qu'il n'a pas fait. Elle s'est donc complètement plantée sur nous trois...
***
Elle est morte au mois de mars 2001 et je crois que le premier moment où je me suis sentie moins mal, c'est en été, c'est quand j'ai commencé à rédiger le dossier pédagogique sur la Citoyenneté au féminin, pour mon travail. J'ai fait ce dossier pédagogique avec intérêt et même, du plaisir. Et j'ai amorcé un changement de vie. Tout ne fut pas parfait, loin de là, mais cela a eu le mérite de me changer les idées... Je ne dis pas que je n'ai plus pensé à elle, non, disons que les choses ont un peu changé, sans que je doive faire des efforts surhumains pour sortir du marasme...
Je me souviens (tout de même) de mon retour au travail, après l'enterrement, et de mon directeur qui m'a dit:
"je te promets que tu feras ton deuil, mais je ne sais pas te dire quand."
Mes parents le 17 juin 1986.