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Variations de regard
25 juin 2019

A propos d'un voyage scolaire en Normandie et de ses suites...

En 1973-74, j'étais en 3ème latin-grec A dans un lycée d'Etat où j'allais terminer mes humanités.

Notre professeur de chimie était la grande organisatrice des voyages scolaires. Je rends hommage à son talent d'organisatrice de ces voyages, dont les étapes étaient parfaitement pensées, étudiées, dans des endroits souvent extraordinaires - je me souviens d'un pique-nique dans le pays de Bray - dans ce magnifique paysage sec, verdoyant et crayeux. Et d'un repas de midi au rez-de-chaussée d'un hôtel de maître du plus pur XVIIème siècle, dans une petite ville à l'architecture classique, que j'ai adorée.

L'ambiance - nous étions à deux ou trois classes - était plutôt bonne, quoique parfois électrique. Nous étions parties en car, et j'étais assise à côté d'une fille que j'appréciais beaucoup - mais dont je n'étais pas l'amie. Les adolescentes sont fidèles à leurs voisines de banc, quand elles considèrent celles-ci comme leurs amies. Son amie, une jeune Polonaise - qui était aussi très gentille - ne participait pas au voyage scolaire faute de moyens financiers.

Mon amie Marguerite était amoureuse d'un professeur de géographie - qui devait avoir une trentaine d'années - et qui semblait bien l'aimer. Il était étrange, ignorant la plupart des élèves, traitant les autres de filles à mecs, (pour ne pas dire un autre terme), et amoureux de mon amie, âgée de quinze ou seize ans.

michel fugain

Michel Fugain, On laisse tous un jour...

Hier, elle et moi avons eu l'occasion d'en reparler. Il n'était que professeur intérimaire. L'année suivante, il avait un autre poste. Toujours est-il que mon amie, qui plaisait beaucoup aux hommes, mais qui semblait avoir une vie de famille chaotique, a logé un temps chez notre professeur de chimie.

Cette dernière accueillait - je crois - volontiers les élèves en difficulté, sur le plan familial, et je pense que cela lui a coûté sa vie de couple - mais soit.

Le professeur de géographie en question - dont je garde un vague souvenir, plutôt grand, avec un collier de barbe, le front haut - a écrit à Marguerite pour lui dire qu'il l'aimait. Mais qu'il ne voulait pas avoir de relation avec une mineure. En effet, cela aurait pu lui coûter cher.

Il aurait pu tout aussi bien s'astenir de lui écrire.

Ce que je trouve plus curieux, c'est que notre professeur de chimie - lorsque mon amie logeait chez elle - avait invité son collègue pour les réunir. Il n'était pas venu. Marguerite l'avait attendu, en vain.

Au lycée, il y avait ce climat un peu trouble, de relations entre les professeurs et les élèves, dépassant le strict contexte scolaire, qui pouvait donner de faux espoirs à certaines... Qui leur donnait de faux espoirs. Espoirs qui devaient immanquablement se fracasser, dès la sortie de l'école, face à la réalité de la vie. Un homme ou une femme dans la trentaine ne se met pas en position d'attendre qu'une adolescente soit majeure (surtout qu'à l'époque, il fallait attendre l'âge de 21 ans), ils font leur vie avec un ou une collègue de leur âge. Quelqu'un qui est indépendant, qui gagne sa vie et qui ne traîne pas une famille dangereuse derrière soi...

Voir "Mourir d'aimer", l'histoire de Gabrielle Russier et de son étudiant - fils de libraire et pourtant militant communiste.

Mon amie - qui était dans les meilleures de la classe - avait une peur bleue de son père. Je me souviens d'elle, pleurant toutes les larmes de son corps, lorsqu'elle avait un Bien+ dans son bulletin. J'avais d'autres copines de classe qui falsifiaient purement et simplement leurs notes finales, mettant un T devant un B. Ce qui donnait un TB. On ne rendait jamais le dernier bulletin, cela passait donc inaperçu.

Est-ce que j'aurais dû faire la même chose? Je ne pense pas. Tricher n'aurait pas amélioré ma confiance en moi, aussi basse que mes notes de physique - certaines années - ou de mathématiques (quand j'avais enfin maîtrisé la physique.)

J'ignorais aussi que sa famille avait vécu des heures dramatiques. Sa jeune tante était morte dans la fameuse attaque (par un groupe de jeunes résistants) du vingtième convoi, du 19 avril 1943. Elle a pu sortir du train, mais a été abattue à proximité.

Je me demande encore ce qu'il aurait fallu pour que je trouve grâce aux yeux de mes professeurs.

Bien que passant toutes mes heures de liberté - à la maison - dans mes livres, j'étais régulièrement traitée de paresseuse.

"Ô toi ! Ce n'est pas un balai que tu as dans la main, c'est une usine!" m'a dit un jour mon professeur d'histoire. Et j'étais la première en histoire. Je n'y avais pas grand mérite, j'adorais son cours, et j'avais lu énormément de romans historiques. De plus, sans me vanter, je passais de longues heures à faire des recherches dans les encyclopédies et les ouvrages de la bibliothèque du lycée. Dans les travaux de troupe, (de groupe! Quel lapsus!) j'assumais une bonne partie du travail. J'ai fini par détester les travaux d'équipe.

Je pense que ce jour-là, j'aurais dû me lever et sortir de la classe. Elle n'avait pas le droit de m'insulter. Je sais que j'ai l'air de me poser en victime, et pourtant, l'anecdote est vraie. Il faut dire qu'elle avait un caractère absolument abominable...

A posteriori, je me dis qu'ayant fait dix ans d'études dans une école catholique - et  pas n'importe laquelle - et étant passée par un athénée un peu spécial, à Bruxelles, je ne devais guère trouver grâce aux yeux de mes professeurs. Mes parents étaient - sans doute - un peu trop cathos à leur goût. Bien que. Qu'est-ce qu'ils pouvaient en savoir?

Je m'étais accommodée de l'anti-cléricalisme de mon école en passant de religion en morale, et, cette année-là du moins, j'y ai gagné au change. Ainsi va la vie, ni chair ni poisson, parce qu'on a quitté un monde où l'on ne sera plus jamais considéré comme un de ses membres (sauf en un lieu cher à mon coeur où l'on ne pose pas de questions), et que dans l'autre, il faut se dissimuler comme on dissimulerait - honteusement - une médaille de la Vierge ou une croix sous son chemisier.

A vrai dire, j'aimais beaucoup deux de mes professeurs - de façon très différente - mais personne ne s'est jamais entremis pour tenter d'effectuer un rapprochement.

Maintenant, je dirais: "heureusement!" Mais jadis, j'aurais tout de même bien aimé être reconnue pour les immenses efforts que je prodiguais. Et sans compter, puisque j'aimais.

Quand, il y a un an et demi, mon frère et moi avons ouvert notre dossier familial - du côté paternel - et découvert les papiers attestant que mon grand-père avait été résistant armé, jusqu'au 3 septembre 44, je n'ai pu m'empêcher de me dire que, pendant ma scolarité - et même, dans certains de mes emplois, ce grand-père résistant m'aurait été bien utile. Ceût été valorisant. Mais bon, peut-être pas.

N'empêche. Pauvre cher grand-père, que j'ai si peu connu, et auquel je pense comme à quelqu'un qui, dans l'enseignement et dans mon dernier boulot, m'aurait peut-être été utile... Ca ne va pas ça. 

des cahiers

La cache des c.i. vierges.

rue Vandenboogaerde/rue Vanderstichelen.

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Commentaires
P
Non non je ne me plains pas (sauf de la chaleur ! ) je crois que tout est dans le ressenti. On a remué des souvenirs. C'est jamais anodin. Mais comme l'a dit mon ex copine de classe, c'est le passé.
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L
Hé bé...<br /> <br /> Tu as eu une adolescence riche.<br /> <br /> Ne t'en plains pas.<br /> <br /> Ce ne fut sans doute pas toujours drôle mais a sans doute laissé des souvenirs plus fort.
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P
@ Heure Bleue. Ça je sais. Il l'a raconté plusieurs fois. Je crois que l'école parfaite n'existe pas...
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H
Le Goût a été pensionnaire chez les Maristes, il sait pourquoi il est anticlérical.
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P
@ Ambre. Oui franchement hier j'étais malade. Je ne savais que faire. Le bruit du ventilo me rendait dingue. Mourant de chaud. Je ne sais pas si c'est un belgicisme ou non.
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Variations de regard
Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

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