Paul-Jean Toulet
L'autre jour, hier ou avant-hier, je songeais à mes deux voyages scolaires, de troisième latin-grec, en Normandie... Puis de seconde, en Provence. Je réfléchissais au fait que j'avais été bien plus heureuse lors du voyage en Normandie, pour un tas de raisons, et bien moins en Provence, bien que ce fût une région dont j'étais passionnément amoureuse... Depuis un séjour fait à Arles (à l'hôtel du Forum), fin août 1971.
Mais cela n'a rien à voir avec la Provence, bien entendu.
J'ai visité le cimetière - jardin des Alyscamps à plusieurs reprises, bien sûr, jeune ado, avec mes parents, et puis lors de ce fameux voyage scolaire, à dix-sept ans. Est-on sérieux, quand on a dix-sept ans?
Ce devait être la veille de notre retour, un matin, car il y avait marché sur les Lices. Un de nos professeurs accompagnait le groupe mais ne retrouvait pas son chemin. Je lui ai dit que je savais où c'était et qu'il suffisait de me suivre. Elle avait l'air de douter. D'un côté, je n'y étais plus allée depuis trois ans, mais de l'autre, j'avais suffisamment arpenté le coin pour m'en souvenir. J'avais une corresondante qui habitait au chemin du Docteur Zamenhof, à l'entrée d'Arles (en venant de la Nationale 113) et dont les parents étaient négociants en huiles et savons. Son père (provençal), avait épousé une Bruxelloise (anderlechtoise! Eh oui! Ils s'étaient mariés à l'église Saint-Guidon.) Elle habite toujours là-bas. Et moi ici.
Nous sommes bien arrivées au cimetière des Alyscamps. Cela m'a tout d'un coup rappelé Paul-Jean Toulet et ses Contrerimes.
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Paul-Jean Toulet, né à Pau (Basses-Pyrénées), le 5 juin 1867, et mort à Guéthary (Basses-Pyrénées), le 6 septembre 1920, est un écrivain et poète français.
Et s'il est célèbre pour ses Contrerimes, ainsi que pour ce délicieux poème sur les Alyscamps... Et tant d'autres... Il fut également romancier, auteur de journaux de voyages; de nombreux articles (notamment sous pseudonyme), et épistolier fidèle (correspondance avec Debussy).
Difficile de trouver une représentation satisfaisante des Alyscamps. Je m'en suis tenue au tableau de Vincent Van Gogh... flamboyant mais automnal... alors que mon souvenir des Alyscamps correspond exactement à l'atmosphère rendue par le poème de Toulet, tellement tendre et lumineuse...
En Arles
Dans Arles, où sont les Aliscans,
Quand l’ombre est rouge, sous les roses,
Et clair le temps,
Prends garde à la douceur des choses.
Lorsque tu sens battre sans cause
Ton coeur trop lourd;
Et que se taisent les colombes:
Parle tout bas, si c’est d’amour,
Au bord des tombes.
Paul-Jean Toulet. Contrerimes.
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Toute allégresse a son défaut
Et se brise elle-même.
Si vous voulez que je vous aime;
Ne riez pas trop haut.
C'est à voix basse qu'on enchante
Sous la cendre d'hiver
Ce coeur, pareil au feu couvert,
Qui se consume et chante.
Paul-Jean Toulet, Contrerimes.