Le conte du lundi de Lakévio du Goût des autres

C'est lundi,  c'est jour de conte...

" Sur cette plage étrange, je pressens des évènements surprenants se déroulant sous la lumière de la Lune. (Et ne dites rien, le TLF dit que l’on peut mettre un accent grave à « évènement » comme le laisse entendre la prononciation).

Dites nous ce que vous inspire cette inquiétante lumière traversant avec difficulté ces nuages tempétueux."

***

Ils attendaient tous, à l'ombre des ruines, dans le fond des vallons, à l'abri des buissons, anxieux chaque fois que la lune sortait des nuages.

C'est qu'ils s'apprêtaient à fuir le doux royaume de France... et par l'océan. Ils n'avaient plus qu'à espérer que le capitaine qui avait accepté, non sans tempêter, de les emmener... fût un corsaire plutôt qu'un pirate, bref, un aventurier non dépourvu d'honneur.

Mais Dame Françoise et Abigaël, la fille de leur pasteur, ne pouvaient rien leur promettre.

Sauf que Dame Françoise avait conclu: "vous avez le choix entre les dragons du roi, l'emprisonnement, si pas la mort... - Et croyez-moi, je ne plaisante pas... la séparation d'avec vos enfants, qui seront convertis de gré ou de force... et... peut-être sept à huit semaines d'une traversée dont nous ignorons tout. Dans un bateau commandé par un homme de mer chevronné et dont je me porte garante."

Tel était le marché qu'elle leur avait mis en main.

Abigaël avait opiné et les plus méfiants avaient finalement opiné..

Voilà pourquoi dame Françoise de Valromée, mieux connue par ses amis protestants sous le vocable familier de Dame Françoise, se tenait auprès de la famille Manigault, le père et ses deux enfants, serrant la quenotte de sa propre fille, l'autre main serrant la crosse du pistolet que lui avait prêté le capitaine... et tremblant d'entendre, entre les rafales de vent, le galop des dragons du roi...

Enfin, les nuages se déchirèrent, et la lune brilla. Doucement, au rythme des rames fendant les vagues, les barques du navire se devinèrent petit à petit. Les marins accostèrent, le groupe se dirigea vers la mer...

Et Dame Françoise les suivit en direction de l'inconnu. 

Comments

[Pivoine]

Oui... les guerres civiles et de religion sont terribles... même les Juifs marranes, en Espagne et au Portugal, ont été contraints de fuir... alors que c'est si simple d'accepter et d'aimer l'autre quelque soit son origine sa croyance, son sexe, bref tout...

[bourlingueuse]

J'ai épousé un Charentais de Brouage dont des ancêtres huguenots ont été contraints d'abjure contre leur gré mais pour avoir la paix pour leurs enfants. Ce sont des documents émouvants à lire...

[Sylvie d L]

Les mers sont des cimetières et quand j'y suis j'ai toujours une pensée pour ceux qui gisent au fond. Et la liste s'allonge de jours en jours.

J'aime beaucoup ce devoir.

[Pivoine]

Merci à vous deux.

Oui, j'ai pensé aussi aux réfugiés d'aujourd'hui.

J'aime bien raconter :-)

[claudeleloire]

ramener du "réel" dans de l'imaginaire ! voilà un art dans lequel tu excelles !

ainsi le font encore nombre de réfugiés qui fuient l'impensable réalité du "non vivre" ...

bravo !

amitié .