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Variations de regard
4 janvier 2021

Le devoir du Goût des autres...

"C'est la rentrée..." nous avertit le Goût; il est donc temps de songer au conte du lundi (de Lakévio - du Goût)...

peinture du 2 janvier

"C’est la rentrée… Eh oui ! Alors, pour commencer « le deuxième trimestre » si important, celui qui décide de la classe que vous rejoindrez l’an prochain je vous propose cette aquarelle.
Alors, que diriez-vous lectrices chéries qui ne vieillirez pas plus cette année que les précédentes, d’écrire un récit sur ce tableau de John Salminen ?
Parlez-moi de ce lieu, de cet homme, de ce que vous pensez."

Le temps d'une machine...

Raphaël se promène... Comme chaque jour, exactement, le matin ou l'après-midi, parfois même... Au crépuscule...

Une heure, pas plus...

Aux abords du Grand cirque d'Hiver. Grand, le terme est peut-être exagéré. Les Circassiens ont dû fermer boutique, en novembre, lorsque le second confinement de l'année a été décrété. Raphaël en a été bien marri, car, depuis que le Cirque s'est installé, il n'a raté quasiment aucune représentation.

Il faut bien qu'une raison exceptionnelle l'ait poussé à creuser un tel trou dans son budget. Raphaël est plutôt raisonnable... Il ne fume pas, ne boit pas, va rarement au restaurant, ses journées s'organisent entre la maison qu'il a héritée de ses parents, au coeur de Sennessonnes le Vieux, et le lycée de la ville la plus proche, où il essaie de faire entrer la littérature classique dans les caboches des ados de la région.

Il avait emmené quelques élèves au Cirque, leur avait fait regarder "Le plus grand cirque du monde", sur arte tv... Les rangs des élèves s'étaient de plus en plus clairsemés, et puis, au terme du congé d'automne, le couperet était tombé, con-fi-ne-ment. Comment diable allait-il faire? Il avait édité un certain nombre de dérogations, en avait beaucoup ri, avec une amie normande, retraitée de l'Education nationale, qui rongeait également son frein, à seulement quelques dizaines de kilomètres de Cabourg (qu'elle adore)...

Et puis, il s'était dit "comment diable vais-je faire, maintenant?"

Il aurait pu ajouter... "Comment diable vais-je faire pour LA voir, maintenant?" Car, on l'aura compris, Raphaël était sous le charme... D'une radieuse écuyère, montant à ravir sur des chevaux de prix, et leur faisant faire un nombre impressionnant de tours. Vraiment, son numéro était exceptionnel, il avait d'abord été frappé par la grâce de la jeune fille, et par la beauté des lipizzans. Le programme des soirées mentionnait qu'elle avait étudié avec un maître formé à l'Ecole espagnole de Vienne...

En tout cas, sur la piste modernisée, joyeusement éclairée, elle l'avait séduit.

Et puis, voilà que le Cirque prenait ses quartiers d'hiver à Sennessonnes... Et qu'il cherchait comment revoir "son" écuyère. Quel âge avait-elle? Qui était-elle? Etait-elle mariée? Ou fiancée? Quelle chance avait-il de - seulement - faire la connaissance de cette jeune fille au teint de miel ambré, aux longs cheveux qui faisaient penser aux Florentines de la Renaissance, aux yeux de saphir, à la silhouette gracieuse et énergique, ensemble? Et surtout... Maintenant?

Il en était là de ses réflexions quand une silhouette se profila dans la brume. C'était Elle. Elle était vêtue plutôt simplement, masquée, comme lui, mais ses yeux souriaent. Elle tirait deux caddies à bouts de bras, et se dirigeait vers lui. Il s'arrêta, quelque chose de plus fort que lui le fit s'arrêter - sans même regarder sa montre... C'est que l'heure tournait.  Que faire? Que trouver?

Elle ralentit à sa hauteur, eut l'air indécis, et il se jeta à l'eau. Il tira un programme tout froissé de sa poche et balbutia...

"Je sais, c'est nul comme entrée en matière... Mais j'aimerais bien vous demander un autographe. Vous voulez bien?"

Elle rit et des boucles s'échappèrent de son capuchon...

"Je ne suis pas une star, vous savez..."

Il adora son petit accent de l'Est. Mais elle s'arrêta. Pas trop près, mais pas trop loin non plus. Ils ne prononcèrent plus un mot, mais s'observèrent, tandis qu'elle écrivait rapidement sur un coin du programme... Pendant ce temps, il jaugea les caddies, et les fanes de légumes qui en sortaient. Puis, elle lui rendit son programme, et il lut "Noémi..."

"Noémi." ... Puis gêné, "Je m'appelle Raphaël. Je suis prof, voyez-vous..."

"Enchantée Raphaël. Je crois que je vous ai déjà vu. Même si je suis très concentrée, pendant mes numéros, je vois tout de même le public. Avant. Ou après... Et c'est que... Nous n'en avions plus tellement, de public, alors que vous, vous veniez très souvent..." Elle hésita. Et se tut.

"Très souvent, oui. Je suis confus. Mais je vous retiens... Et notre heure tourne."

Et soudain (il pensa qu'il y avait urgence, les circonstances ne leur facilitaient pas la prise de contact...) "Je voudrais bien vous revoir... Mais quand? Comment? Si vous en avez envie... Ou la possibilité..."

Elle eut l'air de réfléchir, puis sourit.

"Ecoutez, y a-t-il une laverie automatique pas trop loin d'ici? Pourquoi ne pas nous y retrouver? Sagement... Le temps d'une machine. Et... A distance respectueuse o;)"

Il acquiesça, tout joyeux.

Et quelques jours plus tard, elle, dans sa caravane... Et lui, dans sa buanderie, rassemblaient du linge dans un "cabas de migrant", comme il appelait parfois ses sacs à carreaux écossais... Et cherchaient la bonne case sur la dérogation à présenter en cas de contrôle... Youp ! Case 2...

« Déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle, des achats de première nécessité dans des établissements dont les activités demeurent autorisées, le retrait de commande et les livraisons à domicile. »

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Commentaires
A
Très sympa à lire ! On a envie de lire la suite de l'histoire .... <br /> <br /> Qui sait ? ici ou ailleurs ??? ;-)
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P
Merci à tous et à Jerry ox.
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J
Bravo Pivoine pour cette histoire de rencontre amoureuse sur fond de confinement lié au Covid 19 qui marquera profondément nos vies et l'année 2020 . Raphael est un bon prof qui aime faire entrer la littérature classique dans les caboches des ados de sa région et son amour pour ce métier et celui des artistes de cirque lui ouvrira les portes du cœur de son élue !
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E
Bien entendu : un texte qui me plaît beaucoup ! Il y a toujours de l'espoir lorsque l'on est amoureux !
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P
Ah bah, c'est une nouvelle ! On peut imaginer ce qu'on veut o:) y compris qu'il va la suivre dans sa vie de cirque (pour y faire quoi, je ne sais pas !)
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Variations de regard
Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

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