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Variations de regard
5 avril 2021

Le devoir du Goût des autres...

Et voilà le Devoir pour ce Lundi de Pâques... N° 75...

quatre soeurs

Vous ne connaissez peut-être pas le jardin des Tuileries.
Il n’a pas changé depuis les années soixante et je le reconnaîtrais entre mille.
(...)
Que vous dit cette photo des années soixante ?
Elle me dit, comme le chantait Françoise Hardy « Tant de belles choses » ...
À lundi, vous avez sûrement quelque belle histoire à dire.

***

Juin 1966.

Des jumelles, leur petite soeur et une cousine.

Carole et Stéphanie viennent de terminer leur dernier examen écrit. Il fait chaud! C'était chaud, chaud, chaud aussi dans l'amphithéâtre où elles ont disserté toute la matinée. Elles s'octroient un mini-temps de repos, avant de reprendre le collier. Elles ont vraiment envie d'une limonade fraîche, comme celles qu'on vend à la sortie du Parc. Oooh! Le rêve...

Françoise, la cadette, dite Fanfan, ne connaît pas encore le stress du bac. Elle, ce sera pour dans deux ans. Elle a le temps. D'ailleurs, elle prend le temps et ses résultats ne sont pas parfaits. Elle est dans la moyenne, mais sans plus. Et aujourd'hui, elle est contente, car leur cousine est venue les rejoindre. En trempant leurs pieds dans l'eau, elles parlent déjà des vacances. Toute la bande se retrouvera en Savoie, dans le parc naturel de la Vanoise, dans la grande maison familiale... Fanfan a juste une envie, envoyer tout balader et dessiner. Et chanter. Et écrire... Au bord de l'Arc.

En écoutant son idole... Tous les garçons et les filles savent bien ce que c'est qu'être heureux... Et les yeux dans les yeux... Et la main dans la main... Ils s'en vont, amoureux... Sans peur du lendemain... Aaaaain... D'ailleurs, elle a déjà commencé à laisser pousser ses cheveux alors que Carole et Stéphanie arborent la coupe à la mode.

Carole est la plus sérieuse des quatre. Elle veut faire pharmacie, rien que ça...

Stéphanie est littéraire, vraiment littéraire, et hormis les Lettres classiques, point de salut! Seulement, elle ne sait pas vraiment si elle a envie de continuer à décliner du grec et du latin pendant des années, pour finalement devenir... Prof comme leurs profs. Elle a envie d'autre chose, mais elle ne sait pas vraiment quoi. Un tablier bleu, un col strictement fermé sous le menton... Ca ne l'inspire pas. Un Bailly, un Gaffiot qui pèsent une tonne. Phèdre et ses amours ampoulées, quand elle le vit, rougit et pâlit à sa vue. Et puis quoi encore?

La plus jeune, Solange, est admirative. Elle est en plein âge ingrat, alors que ses cousines sont belles comme des tubéreuses, belles belles belles comme le jour... Comme un parterre de juin. Bon. N'y pensons pas. Pour le moment.

Quand elles ont fini de se raconter leur matinée, d'imaginer le jour du départ prochain... A la maison, les tables commencent déjà à se remplir des effets à emporter dans les malles... Quand elles ont bien agité leurs pieds dans l'eau, elles se décident à se lever, se sécher les pieds, et en tournant la tête, elles voient quatre gars qui leur font face !

Mince alors! Pas de chance... Ils sortent des cigarettes, leur en offrent, Stéphanie est tentée (question de casser l'image de l'étudiante bien sage), mais Carole la regarde... Aïe, aïe, aïe. Eux aussi sortent de leurs salles d'examen. Ils ont vu ces quatre jolies filles, et ils ont envie d'oublier un peu les maths, les études d'ingénieur auxquelles leurs pères les destinent, les tonnes de pages à avaler... Et les taches d'encre sur les doigts.

On échangerait bien des numéros de téléphone, mais c'est Carole qui dit à l'un d'eux. "D'accord, donnez-moi votre numéro, vous..."  "On vous rappellera..."

Carole n'appellera pas. Stéphanie et Françoise le savent bien. Pourtant, un de ces garçons a l'air bien sympathique. Il regarde gentiment Stéphanie, en souriant, elle ne sait pas pourquoi, il lui plaît bien. Il lui plaît bien, il lui plaît bien... Et voilà qu'elle oublie le Bailly, la métrique, les esprits rudes et doux, les abominables discours de Démosthène et même les amours de Phèdre... Elle qui le vit, qui rougit, qui pâlit à sa vue...

Elle a un peu traîné, elle sourit au garçon, puis rejoint Carole, qui se toune vers elle et murmure... "Bon, allez, j'ai pris son numéro pour toi, il s'appelle Michel. Tu as de la chance ma vieille... Il compte aller en Lettres classiques l'année prochaine..."

Elles se sourient, contentes, complices. Doubles. Quoiqu'il advienne!

Paris est une fontaine de gouttelettes multicolores qui chante dans l'air victorieux du mois de Juin.

Dans les bosquets des Tuileries s'entremêlent la soie, les traînes et les crinolines de jadis, le claquement des Talons rouges et le rire emperlé des filles d'aujourd'hui! Leurs jupes courtes et leurs grands projets d'avenir. 

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Commentaires
P
Merci à vous :-) c'est toujours un rendez-vous agréable. C'est bien vu pour des actrices comme Françoise Dorléac. Il paraît que les deux soeurs partageaint une chambre chez leurs parents. Toute une époque en effet.
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P
Juin 1966<br /> <br /> Que de souvenirs, je n'ai pas connu la joie de mettre mes pieds dans le bassin des Tuilleries mais j'ai connu la joie de papotes entre pensionnaires<br /> <br /> Quel beau texte plein de nostalgie et ce qui m'a beaucoup plu, c'est l'intrusion de paroles de chansons que j'arrive encore à me rappeler
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C
Tu me donnes des regrets de n'avoir pas participé au « devoir du goût »<br /> <br /> Super ambiance dans le tien ! On dirait un film, avec les soeurs Dorleac, Jeanne Moreau et Anouk aimée...<br /> <br /> Superbe évocation d'une époque enfuie.<br /> <br /> •.¸¸.•*`*•.¸¸☆
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P
Jolis souvenirs, bien racontés, qui m'ont fait penser au Temps de l'Innocence de Françoise Hardy. C'est d'époque ;-) .
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P
Mmmh, l'histoire qui pourrait continuer, c'est celle de Stéphanie, la littéraire. Qui pourrait rencontrer son Michel, à la rentrée... <br /> <br /> Et celle de la future artiste :-)
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Variations de regard
Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

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