Le devoir du Goût des autres...
Comme M. Le Goût a accédé à ma suggestion d'utiliser une aquarelle de John Salminnen qu'il avait choisie pour illustrer un de ses articles... comme point de départ du conte du lundi (les Contes du lundi ...) Je me devais d'essayer de "pondre" quelque chose (entre les préparatifs et les sacs de week-end ou plutôt, de mid-week...
John Salminen.
Je vous ai quelquefois parlé de cette fontaine.
Elle a retenu l’attention de John Salminen, (de Pivoine) et de votre serviteur qui a déjà tartiné sur le sujet.
Mais à vous, que dit-elle?
Quels souvenirs vous rappelle-t-elle?
Racontez à votre tour vos pérégrinations dans le dédale de votre mémoires.
Cette fontaine me fait penser à trois personnages...
L'héroïne. Belle. Blonde. Une chevelure couleur de miel mûr. Habillée de noir. Qui vit sagement. Sagement depuis la déchirure". Elle vit dans sa maison, dans la banlieue parisienne. La maison trop grande. Désertée - son fils, parti, avec sa compagne, loin, très loin. A Stanford. Sa fille en passe de s'en aller, elle aussi.Il y a son père, vieillissant... Qui la regarde parfois sans rien dire. Et soupire. Et puis, il lui reste Pierre. Pierre, l'ami fidèle... Pierre qui voudrait plus, plus que cette amitié - affection - liaison mais sans passion. Christiane, elle, s'en satisfait. Mais pour le moment, elle est loin de la fontaine. Elle travaille. Mais sans passion. Elle s'occupe. Elle va, elle vient. Elle attend sans attendre. Je ne sais quoi. Elle s'accorde rarement le temps d'un peu profiter de la vie. Sauf aujourd'hui. Ce soir, son amie Isabelle l'a invitée à un vernissage... Elle a fini par accepter de venir. Qu'est-ce qu'elle va mettre?
Le héros. L'homme grand, calme, d'apparence. Mais qu'on ne s'y fie pas. Cette âme est un volcan. Le feu couvant sous la cendre. Le héros se trouve justement à Paris, à l'occasion d'une vaste exposition, Paris - Berlin - Mokhba... Réunissant la crème des architectes, des urbanistes, et de sculpteurs à la renommée internationale. C'est la première fois depuis longtemps qu'il revient à Paris.
Il est grand. Très grand. Impressionnant. Un chapeau cache ses cheveux bouclés. D'un blond presque blanc. Blancs, en réalité. Il a tellement voyagé et travaillé qu'il n'a plus eu le temps de penser à Elle. C'est elle qui a rompu, il y a cinq ans. C'est long, cinq ans. Alors, il est parti.
Et ce soir, il y a ce vernissage... Le sien. Il a quitté les salons où tout l'accrochage et la mise en place se poursuit. Il se promène dans Paris. Il regarde la fontaine. Les jeux de l'eau, la transparence glacée. La couleur lumineuse et grise de Paris. La nuit, la mer, le fleuve, le soleil... Le soleil et la lune. Les contrastes. Et elle. Dont le souvenir revient le hanter, devant l'eau de la fontaine.
Enfin, il y a Isabelle. Le troisième personnage. Ce sont "ses" artistes qui exposent ce soir. Et parmi ces artistes, ces architectes, il y a lui. Aah! Difficile de résister au charisme de cet homme. Depuis qu'il est arrivé dans la capitale, elle ne l'a guère vu. Il a l'air de se désintéresser de son travail, maintenant qu'il n'a plus de prise sur lui. Il laisse faire les organisateurs. Les intermédiaires. A-t-il le trac? Il l'air d'attendre, elle ne sait quoi. Elle se regarde dans le miroir, (pendant qu'il observe les cercles concentriques dans l'eau de la fontaine...) Et elle espère. Va-t-elle téléphoner à Christiane? Elle n'en a pas beaucoup le temps. Et Christiane, qui est si sérieuse, si raisonnable, si "fidèle" à un souvenir... Isabelle a l'impression que son amie ne va pas la comprendre.
Une ville. Une place. A midi. En décembre. Solstice d'hiver. Solstice d'été... Une fontaine. Un miroir. Et trois personnages.
***
Et puis, il y a ces mots si simples, que le poète répète. Indéfiniment... Comme la voix monochrome du Choeur antique...
" A jeun perdue glacée
Toute seule sans un sou
Une fille de seize ans
Immobile debout
Place de la
Concorde
A midi le
Quinze
Août "
(Jacques Prévert, La belle saison).