Le mariage de mon frère...
Mon frère s'est marié en deux fois, un samedi de vacances, à la maison communale d'Uccle, en août 75, et le samedi 6 septembre, (je crois) à l'église Saint-Job d'Uccle.
Le mariage civil, c'était pas mal. Simple. Les familles et les témoins. Après, nous sommes allés à la maison, où mes parents avaient prévu un vin d'honneur, des sandwiches et les fameux gâteaux familiaux, dont le célèbre baba au rhum et aux bananes, gâteau des grandes occasions.Si cela s'était arrêté là, c'aurait été parfait!
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La cérémonie du 6 septembre était... Une cérémonie. J'étais assez loin de là, mentalement, car je venais tout juste d'entrer en rhéto. Ma dernière année au lycée. Pourtant, je suivais les préparatifs et les discussions... Ma robe se préparait, c'est ma mère qui la cousait, d'après un patron de Modes& travaux. Une robe droite, légèrement évasée dans le bas, à manches courtes, dans sa version longue, en tissu assez lourd, à grands ramages rouges et blancs, avec un décolleté rond. J'aimais bien ma robe. Mon cavalier serait l'aîné des frères de ma future belle-soeur, un brillant étudiant de l'Institut Solvay. Depuis, il est mort de la maladie de la vache folle (eh oui).
Les discussions portaient sur la présence de ma famille, de nos familles, oncle, tantes, cousins et cousines... Et de ma grand-mère paternelle, qui, malheureusement, supportait mal la boisson, et nous avait pas mal traumatisés lors du mariage précédent, celui d'une de mes cousines.
Il faut dire que mes parents redoutaient la belle-famille de mon frère, plutôt snob (c'était sa future belle-mère qui était surtout snob, pas tellement son futur beau-père). Bref, pour ne pas inviter ma grand-mère, mes parents et mon père (la mort dans l'âme) se sont résolus à n'inviter ni ma grand-mère ni ma tante ni mes cousins et, par solidarité, ma mère n'a pas non plus invité ma tante ni mon autre cousin (qu'on allait pourtant revoir pas longtemps après). On a prétendu que le mariage se ferait dans la plus stricte intimité.
Mon père a alors invité quelques collègues de longue date et une famille voisine de la nôtre qu'il aimait bien. A la réception.
Evidemment, ce qui devait arriver est arrivé, une tante et un oncle de mon père, qui habitaient la Montagne de Saint-Job, ont vu le mariage, à la sortie de l'église, et tout le tintouin... Et en ont informé toute la famille... Parce que du côté de mon père, il y avait une famille assez importante, dont je reparlerai peut-être un jour (je les ai tous rencontrés beaucoup plus tard).
Pendant ce temps, nous sommes allés au B.R.Y.C. Brussels Royal Yacht club, au Canal, après le pont Van Praet et la soirée a commencé. Réception, puis buffet froid et pièce montée (vanille et chocolat fondus o;).
Je ne m'en souvenais pas, mais mon père a fait finalement le chemin seul, de l'église de Saint-Job, à Uccle, au B.R.Y.C. Autant dire, la traversée de Bruxelles. Il en a gardé un stress.
Je ne sais pas quand, quand il est retourné dans sa famille, il s'est fait étriper par sa soeur (ma tante) parce que non, ce n'était pas un mariage à la sauvette, et ils avaient été scandaleusement mis sur le côté.
Et elle avait raison. Je me dis que nous avons manqué singulièrement d'humanité et de la plus élémentaire gentillesse. D'accord, ma grand-mère était portée sur la bouteille, d'accord, elle n'avait déjà sans doute plus toute sa tête, mais tout de même... Je l'aurais très mal pris aussi. Je ne sais pas comment mon père et ma tante se sont rabibochés, mais ils se sont rabibochés.
D'ailleurs, nous avons organisé une petite réception chez nous, plus tard, avec le couple de jeunes mariés, moi, qui me trouvais toujours au milieu du jeu de quilles, mes cousines, leurs encombrants maris (l'un a disparu, l'autre s'est enrichi avec une bonne friterie, bien placée, à Bruxelles). Et leurs plaisanteries de "corps de garde".
Des années plus tard, longtemps après, trèèèes longtemps, ma tante a organisé une réception pour ses noces d'Or. La pauvre, elle n'en avait plus pour très longtemps. J'habitais ici depuis peu, ma mère était morte en 2001, mon frère avait divorcé et s'était remarié et était là avec sa seconde épouse. Entretemps, ma belle-soeur Anne-Marie était morte, elle aussi. Tout le monde meurt dans cette histoire, ou peu s'en faut.
Je me suis retrouvée en face de ma cousine (celle de la friterie) qui, tout d'un coup, m'a entreprise sur ce mariage où ils n'avaient pas été invités. J'ai tenté d'expliquer qu'à l'époque, j'avais dix-huit ans, qu'on ne m'avait pas demandé mon avis, et je n'allais pas me lancer dans des expications hasardeuses, d'ailleurs, je n'en ai pas eu le temps, ma cousine a fait un geste brusque, des verres se sont renversés et la jolie blouse marocaine en soie ivoire que je portais a été foutue... Irrécupérable. Il y avait une énorme tache de vin rouge violet dessus.
La moutarde commençait à me monter au nez.
Le comble, c'est que le jour où j'ai revu mes neveux (la fille aînée et le fils de mon frère)... Ma nièce m'a entreprise sur cette réception (qui m'avait coûté une blouse que j'aimais...) parce qu'ils n'avaient pas été invités, alors que mon frère et sa nouvelle épouse y étaient. Comme quoi, l'histoire se répète. Je ne sais même pas où était ma nièce à ce moment-là, entre Bruxelles et la Gaume.
Je ne sais plus ce que j'ai répondu. Rien sans doute, que pouvais-je répondre?
Tout ce que je peux dire, c'est que ma famille m'a empoisonné la vie... Bien sûr, en disant cela, je force le trait... Mais j'ai besoin de lâcher du lest. Quand, malheureusement, un petit fait insignifiant me remet sur tous les dysfonctionnements familiaux, j'ai du mal pendant plusieurs jours.
Mon fils me dit de ne pas m'en faire.
Je ne m'en fais pas.
Mais je ne parviens pas à oublier (tout à fait). Je n'y pense pas, les 3/4 du temps, mais il peut arriver que j'y pense...