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Variations de regard
6 décembre 2021

Le conte du lundi de Lakévio du Goût n° 107

Et voici ma proposition pour le Conte du lundi du Goût des autres...

Félix Valloton

Félix Valloton, Intimité.

" Ce qui serait vraiment bien c’est que votre histoire, car j’espère que ce sera une histoire, c’est qu’elle commençât par « Flotte très lentement couchée en ses longs voiles » et qu’elle finît par « C’est qu’un matin d’avril ».

***

"... Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles..."  

Sur le grammophone, le disque tourne et ondule doucement... La lumière se reflète dans le vinyl noir, le bras sursaute parfois, et l'aiguille dérape, atterrit sur un autre sillon... De sorte que les mots que l'on perçoit sont juste ceux de ce vers-là... Pourquoi s'arrêter tout d'un coup sur Ophélie et son malheur?

C'est la vie, et non la mort, qui les appelle. Alors, il prend doucement la jeune femme, douce et réservée, dans ses bras, et ses lèvres s'approchent de son oreille, lui détaillant les mots du poème un à un.

Elle n'écoute pas vraiment les mots. Elle entend surtout sa voix. Profonde, qui résonne étrangement en elle. Et ces accents la bouleversent plus sûrement qu'aucune promesse, aucun serment d'amour. Cette voix lui rappelle celle qu'elle a entendue il n'y a pas si longtemps, dans un rêve, au petit matin, et qui l'a brusquement arrachée au sommeil.. Une voix qu'elle entendra encore longtemps, jusqu'à ce qu'elle meure, elle aussi. Comme Ophélie. Mais en attendant, les lèvres douces effleurent le lobe de son oreille, s'en écartent, reviennent... Se prolongent en baisers légers, légers, presque imperceptibles.  Elle a l'impression de flotter, telle Ophélie. Entre deux mondes. Il y a le rêve, le feu mourant, le crachotis du bras du tourne-disques...

" Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles... "

Et puis l'ardeur, la chaleur, qui peu à peu, la raniment, la sortent de son rêve, de cet étrange vague à l'âme.

Pourtant, il murmure encore. Et de son oreille à son coeur, la flamme s'est propagée... Qui a embrasé son corps. Tout entier...

Ils en sont arrivés à

" C'est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux;
C'est qu'un matin d'avril... (...) "

Enfin, il retourne s'asseoir, à ses pieds, appuyant sa tête sur ses genoux. Content. Ils restent immobiles. Recueillis. Ne se préoccupant plus du bras qui s'est bloqué sur un sillon, et tressaute, répétant indéfiniment...

C'est qu'un matin d'avril. C'est qu'un matin d'avril. C'est qu'un matin d'avril...

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Commentaires
P
L'idée m'est venue avec ce côté "chanté"... chanson, poésie = disque 33 tours... // le murmure à l'oreille, la voix, entendue en rêve, avant et après, et ce qui en découle... est de l'histoire vécue :-) une fois que le fil est tiré, le reste vient. Le tout est qu'il y ait un fil, ce qui n'est pas toujours gagné... :-)
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C
Superbe. Moi ça m'a bloquée cette fin qui est un début de phrase...<br /> <br /> Et puis l'image ne m'a pas trop inspirée.<br /> <br /> Toi, en revanche elle t'a fait écrire un très joli texte.<br /> <br /> Bisous Pivoine<br /> <br /> •.¸¸.•*`*•.¸¸☆
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P
Aaah ! Tout est dans les sensations :-)
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G
Et si plein de poésie !
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P
Merci Alain X :-) ce n'était pourtant pas facile facile... à première vue :-)
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Variations de regard
Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

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