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Variations de regard
17 avril 2022

Tableau final de l'amour (de Larry Tremblay)

La semaine passée, vendredi? Le temps passe tellement vite... Après un déjeuner "social" avec des amis - (dans un resto social), je suis allée en ville chercher des livres que j'avais commandés. J'ai enfin ! Une édition de "Maurice" en anglais (chez Penguin books), avec Introduction, chronologie, introduction (de nouveau), le texte original... Et notes! Le luxe! Dans l'édition du Livre de Poche, il n'y a rien, rien, rien! C'est bon que je connais un peu la vie des amis de Bloomsbury, sinon, comment aurais-je deviné que le vicomte Risley avait été inspiré par Lytton Strachey?  Et enfin, la postface, si importante, de Forster lui-même. Là, je dois m'accrocher, car je n'ai pas de traduction en français. Mais l'anglais me redevient plus familier.

Je n'arrive toujours pas, comment expliquer? A saisir la poésie du texte, dans la langue originale (le parc de Penge, les oenothères, qui semblent le symboliser, le verger d'abricotiers, les différentes parties du parc, séparées par un portillon...) Certaines images poétiques, (l'évocation des piliers de la station, au bord de la mer, où se trouvait l'école primaire de Maurice (dans un lieu indéterminé)... mais ce n'est pas pour parler de Maurice que j'ai ouvert mon blog, aujourd'hui. Ou alors, juste pour dire que, par contre, j'aime beaucoup lire certains passages tout haut (musicalement, l'anglais me plaît beaucoup) et du coup, comme je connais l'histoire, je peux y mette les intonations voulues. Lors des passages que je préfère - comme l'adieu à Clive Durham "sans crépuscule ni compromis", à la fin du roman - quand Maurice lui dit ses quatre vérités. Ou quand je lis la lettre (la première) d'Alec à Maurice.

Et puis, j'ai acheté Route des Indes aussi (A passage to India - il paraît que ce titre est emprunté à la poésie de Walt Whitman). Les grands romans de Forster ont été traduits par Charles Mauron. Mais qui est mort avant l'édition de Maurice. Forcément. Pour certains, ce sont les deux meilleurs romans de Forster (les avis sont partagés, j'ai lu aussi le contraire.)

***

Une amie fcbk avait parlé d'un roman de Larry Tremblay, écrivain québecquois (qui est venu chez TuLiTu, ma librairie préférée, tout de même, avec Tropismes) inspiré d'un épisode de la vie de Francis Bacon... Tableau final de l'amour raconte, de façon tout à fait romancée, ce n'est vraiment pas une biographie, même si elle s'appuie sur des faits réels, la rencontre et la liaison entre le peintre et son modèle Georges Dyer. Un petit malfrat, rencontré sans doute - dans la réalité des faits - dans un bar londonien, à SoHo, et mort à Paris, (d'une "overdose" d'alcool et de médicaments), alors que Francis Bacon faisait sa première rétrospective au Grand Palais, en 1971.

C'est un roman fort, violent et dur. "Tu es venu pour me voler...", (incipit) - il est écrit à la deuxième personne du singulier et raconte l'intrusion d'un petit malfrat dans l'atelier du peintre, qui le surprend et finit la nuit avec lui, après avoir reçu un (jeton) dans la figure. Il lui sert des oeufs le matin, ne supporte pas de l'entendre manger en faisant du bruit mais commence néanmoins à le dessiner.

couverture

Georges Dyer à gauche, Bacon à droite.

La Peuplade, 216 pages.

Il y a plein de notations intéressantes sur l'art, la peinture, le portrait, l'engagement en peinture (notamment dans le dernier chapitre sur le portrait d'Adam, le mari handicapé de l'amie de Bacon - il a eu une attaque cérébrale et est resté paralysé).

*** sur le portrait: comment représenter la chair par la couleur? Larry Tremblay reprend le terme de "viande" pour "chair". Cela peut choquer. Et pourtant, c'est bizarre, je me souviens avoir un jour employé le même terme, lorsque je montrais un de mes croquis à mon professeur de peinture (Félix H.) où j'avais laissé la peinture couler... Je ne suis pourtant pas du tout irrespectueuse du corps humain (et certainement pas de la personne des modèles, qui font un travail difficile).

*** sur les papes...

Je me souviens avoir regardé, en 1993? Probablement... Une émission à Arte sur Francis Bacon, que je ne connaissais pas du tout. Nous avions été fascinés par l'univers du peintre, par ses triptyques "déchirés", et encore, je ne connaissais pas ses papes... (Nous en avons un au musée d'art Moderne - qui n'existe plus en tant que tel...)  Honnêtement, je ne sais pas si j'aime sa peinture. C'est tout de même très mortifère. Je préfère le printemps en Normandie, de David Hockney. Je ne sais pas si je préfère Lucian Freud... Je ne sais pas.

bacon-three-studies

(c) Francis Bacon, triptyque pour une crucifixion.

bacon le pape aux hiboux

Francis Bacon, le Pape aux hiboux

Bruxelles, musées Royaux des Beaux-Arts.

Larry Tremblay revient sur l'enfance de Francis Bacon. En lisant le roman, j'imagine une famille anglaise, un peu comme dans les films de Ken Loach (genre "Raining Stones" - le film qui m'a le plus marquée), or, d'après l'unique photo que j'ai trouvée sur le net, de Francis Bacon avec sa mère, on imagine plutôt une vie familiale paisible... Or, il a un père brutal, qui le bat, c'est un enfant qui souffre d'asthme, il subit un viol (dans le roman), bref, oh, ce n'est pas de la littérature avec des sentiments tièdes... Et, pour gagner sa vie à l'étranger, à Paris, notamment, Bacon s'est prostitué.

fb et sa mère 1914

Larry Tremblay alterne donc les épisodes de la vie de Bacon avec Georges Dyer, essentiellement en tant que modèle, (mais aussi en tant que personnage si fragile, qu'il devait protéger) et des rencontres, fictives ou non, avec d'autres personnages, un écrivain philosophe obèse, un peintre américain peu talentueux... Comme je connais moyennement la vie de Bacon, je peux difficilement distinguer le réel du fictif. Bon. Si on aime les récits de vies d'artistes torturés et torturantes, on aimera ce genre de livre. La biographie (chez Folio) que j'avais lue (une biographie romancée ou libre) de David Hockney n'était pas toujours très gaie non plus. Mais c'était moins sombre. Peut-être parce que Hockney a vécu plus longtemps, peut-être parce qu'il était moins torturé, peut-être parce que sa conception de la peinture était différente... Et pourtant, au sein de la famille qu'il avait reconstituée, avec ex et amis des ex, un homme jeune s'est suicidé... (plutôt aussi style overdose...)

bacon dyer et giacometti

Francis Bacon; George Dyer et Alberto Giacometti
GRAHAM WOOD pour le TIMES; JOHN DEAKIN/BRIDGEMAN IMAGES; GORDON PARKS/GETTY IMAGES
***

Larry Tremblay semble avoir été fasciné par Francis Bacon. Il a aussi écrit et publié un volume de poèmes, "158 fragments d'un tableau de Bacon explosé", poèmes inspirés par un tableau imaginaire. A voir... Ou plutôt, à lire.

francis bacon

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Commentaires
P
Oui, c'est curieux. Olivier m'a demandé si je lisais l'anglais couramment, j'ai dit pas du tout et je le regrette infiniment pcq j'ai été très motivée pour apprendre l'anglais (au point de faire un séjour linguistique... en Angleterre) au moins autant que pour le latin...
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A
J'aime aussi parfois lire à haute voix pour faire ressortir la musicalité de la langue. Cette motivation pour lire en anglais va te faire progresser dans cette langue, c'est super! Je n'apprécie pas vraiment la peinture de Bacon, et je ne connais rien de sa vie. Le terme "viande" pour la chair me paraît dans son cas assez approprié. A noter qu'en néerlandais, le mot "vlees" désigne l'une comme l'autre!
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P
Ah ah. Merci Pivrose. Je ne sais juste pas si je continue ici ou si j'entame un nouveau blog. Cela me paralyse un peu.
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P
Je ne peux que saluer ta grande culture en lisant cet article. C'est agréable de te lire et de t'entendre sur des sujets qui te passionnent
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P
Certes. Heure Bleue. Là est la question. En tant que mère... qu'aurais je fait et pu faire si j'avais eu un enfant concerné... (cela n'a pas été le cas. ) c'est une vraie question. Comment aurais-je réagi ? J'aurais eu peur que mon enfant souffre. Mais dans tous les cas, on peut avoir peur que son enfant souffre. On ne peut les protéger de tout... je suis plutôt contente que mon fils est beaucoup moins torturé que ses père et mère (semble-t-il ! ) ouf !
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Variations de regard
Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

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