Le concert à Caen, juin 1954 (fiction)
Pour répondre à un avis de Pivrose, peut-être faut-il que je situe cette scène... J'ai commencé à écrire une fanFiction en novembre, (dans un cahier, le soir, dans ma petite chambre à Hurtebise)... Après avoir vu Maurice, film, qui décidément, m'a marquée. Sans grande conviction. Et puis un moment donné, un personnage est apparu (j'y ai déjà fait allusion ici ou là). C*** (je dois lui trouver un prénom qui commence par C. - né en mai 1914). Cette fanfiction est devenue son histoire.
A*** et C*** mes deux personnages, viennent de se retrouver, après six ans de séparation, au petit musée du débarquement d'Arromanches-les-Bains. Qui vient d'être inauguré par le président René Coty. Ils en ont profité pour visiter la région... Ils sont encore très marqués par la guerre et tout ce qu'ils ont traversé. Après. Hugues Forville est un personnage secondaire. Un pilote français... (et grand ami de C***) qui assure la ligne Paris-Orly - New York. Ils sont devenus amis lorsque C*** a décidé de retourner aux Etats-Unis, à New York, après la guerre, donc, encore six ans d'absence, (entre 1938 et 1946).
Arromanches-les-Bains - Caen, juin 1954.
" Le dernier soir, ils allèrent à l'abbatiale de St Étienne de Caen. C* savait que Hugues se trouvait avec des Compagnons de la Libération, quelque part dans l'assemblée, anciens de la compagnie Normandie-Niemen, comme lui.
On donnait ce soir là un concert d'orgue dans l'église. Ils compulsaient le programme du concert et les explications sur l'orgue de Cavaillé-Coll. Ils étaient assis côte à côte, et C*** avait sacrifié au rite de porter sa médaille, la Distinguished Flying cross du Royaume-Uni.
A***, lui, n'avait pas emporté ses décorations de 14-18. Mais ils ne passaient pas inaperçus. On les regardait beaucoup. Ceux qui remarquèrent ces deux hommes qui auraient pu passer pour un père très jeune et son fils, n'était-ce qu'ils ne se ressemblaient pas du tout, ne doutaient pas qu'ils eussent fait la guerre. Ou deux guerres, pour le plus âgé.
(...) On joua la troisième symphonie de Camille Saint-Saens dite pour orgue. Après tout, le compositeur l'avait jouée pour la première fois à Londres, en 1886. Ils étaient heureux. C*** écoutait les accents de la Symphonie, et rendait grâce à... Dieu.
A***, en son âme d'artiste, contemplait les lueurs mouvantes dans la nef, plongée dans l'ombre, les colonnes, les ogives et la voûte de pierre, les vitraux éteints... et l'élégante assemblée. L'harmonie tonnante de l'orgue correspondait merveilleusement au lieu et à l'heure.
Les deux derniers mouvements les transportèrent. Il leur semblait entendre leur histoire transposée dans la musique. Ni l'un ni l'autre n'était religieux... pourtant, dans les grandes églises de Normandie, y compris quand par inadvertance, l'un ou l'autre entendait la fin d'un office, il était impossible de ne pas ressentir une émotion inconnue. Le culte catholique leur était tout à fait étranger. Et le murmure des messes en latin était un mystère.
Mais subitement, submergé par la gratitude, A*** éprouvait quelque chose qu'il n'avait jamais ressenti. Et pendant la finale, ils étaient tellement émus tous les deux, que furtivement, A*** serra la main de C***, celle dont l'annulaire arborait à nouveau l'anneau offert en 38. Quelques larmes brillèrent discrètement au coin de leurs yeux. Ce fut un des moments les plus heureux de leur vie.
Et comme il y avait de nombreux invités étrangers dans l'église, à la fin du concert, l'orchestre interpréta, non seulement la Marseillaise, mais aussi le God save the Queen et l'hymne des États-Unis, que l'assemblée écouta debout, tout au long de leur exécution.
Ils rentrèrent à l'hôtel par une nuit cloutée d'étoiles, très émouvante dans cette ville qui leur était pourtant totalement étrangère.
Et si proche, ensemble.
Et qui avait servi de cadre à la renaissance de leur union."
(Forville, 1946-1955)
Écouter ici : les deux derniers mouvements.