Jean-Baptiste et Madeleine dans la grange d'Orléans...
Le retour se fit dans l'euphorie la plus totale.
Pourtant, c'était toujours le même trajet. Après une retraite d'une demi-heure dans le jardin du Chanoine, auprès de la fontaine, j'avais retrouvé la place surchauffée, la liesse ambiante d'une fin de Ramadan, les rues incandescentes, ce juillet caniculaire, mon faubourg dans la ville, énorme et murmurant, avec ses rares îles de fraîcheur.
Je rentrais chez moi. Dans ma solitude. Mais est-on jamais seul? Plus... Ou moins solitaire que l'on veut le donner à penser? Et puis, qu'allais-je faire? Remâcher le malheur? Sortir les mouchoirs? Les larmes amères? Eh bien, non !
Pourtant, j'avais failli arriver en retard à notre séance de conversation. Il me faut parfois tant de courage, pour bouger! Et ce matin-là... Peut-être davantage encore ce matin-là que bien d'autres. Toutefois, je n'imaginais pas rater ce moment qui m'était dévolu. Pendant une heure, baigner dans le chant de l'écriture grecque, de l'Olympe, des mythes, et des immortelles.
Car immortels! Nous l'étions !
Non par la vie ou la mort. Mais par les mots. Par leur écho, qui nous traversait, tel le rebondissement incessant d'un silex dans le fleuve de l'humanité. De plus en plus immense, au fur et à mesure qu'il s'aloigne de nous !
Aborder ensemble des mots d'autant plus séduisants qu'ils demeurent inconnus, apparemment impénérables... Comment aurais-je seulement pu imaginer, concevoir, que nous avions effectué - chacun de notre côté - les mêmes voyages? Et porté les mêmes ouvrages, dans nos valises de fous de la Parole !
Mais comment avais-je pu être aussi aveugle?
Destination Sophocle, Euripide, Racine, Vauthier, et, par-dessus tout, lui... "Mon" Molière...
Il aura suffi juste d'un peu de curiosité. Après tout, dans une vie ancienne, n'ai-je pas été journaliste, suivant jusqu'au bout des fils que le hasard me tendait? Stupéfaction! Au bout de mon fil, je déchiffrais. Lui et moi étions issus du même monde... Bien sûr! Il ne m'en avait rien dit. Il avait fallu que je le découvre par moi-même! Je m'évertuais à lui expliquer -entre les lignes- un dilemme qu'il connaissait, qu'il devait connaître aussi bien que moi. Mais il me faudrait attendre, avant de lui en parler. Malgré l'envie impétueuse que j'avais de lui téléphoner, de lui écrire, pour lui dire que je "savais" ! Eh bien, non! Je préférais attendre. Réfléchir. Ecrire, pourquoi pas? Et peut-être qu'un jour, il accepterait de me parler ! Nos horizons n'étaient-ils pas les mêmes: la pratique d'un art comme passion, en parallèle à ce qu'on appelle un "métier" - et un métier voulu, choisi, accepté, - à moins qu'il ne fût subi? Parfois? Comment savoir?
Et surtout, comment faisait-il? Lui ?
Car nous devions avoir en commun cette possible rupture qui inversait nos vies dans l'un ou l'autre sens. Faisant de l'un, de l'autre, un employé, un prof, un poète, un récitant... Un écrivant... Un artisan.
Avant l'explosion finale.
A moins que... A moins, justement, que je ne me décide à "jouer le jeu" - le jeu de celle qui ne sait pas, n'a jamais su,
Le jeu de celle qui ne saura jamais. Ou plutôt,
... Qui ne le "dira" jamais...
***
Voici ma proposition de texte pour le jeu d'écriture en commun d'été, chez Asphodèle, "Les plumes n° 10".
Sur le blogue "Les lectures d'Asphodèle"...
La sélection de mots était la suivante (je ne les ai pas repris dans l'ordre!) - 17 mots découlant les uns des autres, et puis, trois mots commençant par la lettre "i".
retour, euphorie, liesse, valise, chant, solitude, larme, immortel, mouchoir, voyage, destination, horizon, retard, trajet, rupture, retraite, rater et incandescent, impétueux, inverser.
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