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Variations de regard
25 octobre 2015

Daphné Adeane, de Maurice Baring

Un jour, à Londres, quelques années avant 1914, Hyacinth Wake, mariée à Basil Wake, avocat, se prépare à assister au vernissage de l'exposition d'un peintre anglais, Walter Bell, en compagnie de son ami-amant, Michael Choyce. Mais son mari lui fait comprendre qu'il souhaiterait que Michael Choyce disparaisse de leur intimité. Tout est dans la suggestion, aucun mot, aucun aveu ne franchit leurs lèvres, mais Hyacinth Wake décidera -presque immédiatement, de rompre avec Michaël.

Elle lui demande d'ailleurs de ne pas venir, mais il y va quand même.

Le vernissage sera leur dernière sortie en commun. Là, ils rencontrent des personnes de connaissance, dont lady Jarvis, qui leur présente une amie, Mrs Weston et sa fille, Fanny, la veuve et la fille d'un diplomate. Fanny sort dans le monde depuis deux ans environ. Dans l'arrière-salle de la galerie, on expose un peintre moins connu, José Henriquez, qui a fait le portrait d'une jeune femme quasiment inconnue, Daphné Adeane, mais qui va jouer un rôle extrêmement important dans la vie de certains de ces personnages.

Le lendemain, Hyacinth reçoit Michael pour la dernière fois chez elle et lui signifie son congé. Il insiste pour au moins rester amis, elle refuse. Elle refusera toujours tout contact amical entre eux. Quant à lui, un de ses oncles vient de mourir... Sa situation financière est compliquée, il en parle avec une vieille tante... Bref, tout le monde insiste pour qu'il se marie (il est parlementaire mais débute dans la carrière).

Il part donc en week-end, dans une propriété anglaise et là, il retrouve Mrs Weston et Fanny.

Fanny Weston est séduite par Michael. Elle est extrêmement jolie mais tout le monde déclare sa beauté "variable", elle ne pourra être belle que si elle est heureuse. Poussés par leur entourage, ils se fiancent et se marient. Les débuts de leur union sont heureux, mais Michael n'a évidemment pas oublié Hyacinth. Et il ne comprend pas vraiment Fanny. Il la compare sans cesse à l'autre. A la longue, Fanny "sent" se glisser quelque chose entre eux, comme un fantôme permanent, sans pouvoir vraiment mettre de mots dessus. Et un jour, à l'occasion d'une soirée à Londres, où se trouvent Basil et Hyacinth Wake, soudain, elle comprend, le voile se déchire. Elle devine ce qu'il y a eu entre eux, et que lui pense encore à elle. Quelques mots prononcés par des inconnus, les efforts de Michael pour se rapprocher d'Hyacinth, ceux d'Hyacinth pour l'éviter...

Tout s'écroule autour d'elle.

Alors Fanny essaie péniblement de reconstruire sa vie. Elle vit de préférence loin de Londres, a un fils (perd un autre enfant, voyage en Egypte), puis, plus tard, une fille, et petit à petit, elle conquiert un équilibre. Elle se fait des amis, l'écrivain Léo Dettrick, Cuthbert Liley, voire des admirateurs, et tous remarquent sa curieuse ressemblance avec la défunte Daphné Adeane.

Fanny est fascinée par cette femme, visite sa maison, à la campagne, mise en location par son propriétaire, Ralph Adeane. De longues pages sont consacrées à la description du manoir de Seyton. Elle questionne beaucoup les uns et les autres sur la vie de Daphné Adeane. Qui était-elle? Pourquoi a-t-elle épousé Ralph Adeane contre l'avis de sa famille? Pourquoi a-t-elle quitté l'Amérique du sud, d'où elle était native, sans jamais vouloir y retourner? Qui a-t-elle vraiment aimé? Son mari, Ralph Adeane? Léo Dettrick, l'écrivain qui, paraît-il, l'a "mise" dans chacun de ses livres?

Ou l'ami de celui-ci, le médecin spécialiste des maladies nerveuses, le très sérieux Francis Greene?

Entretemps, Fanny apprend - et Michael en même temps - qu'Hyacinth est morte des suites d'une banale opération. (Non, le chirurgien n'a pas été retardé par des grévistes sur une autoroute, je ne pense pas...) Il faudra cette mort, et du temps, et que Fanny retrouve sa joie de vivre, le succès et sa beauté, pleine et entière, pour que son mari, enfin, découvre qu'il est amoureux de sa femme. Alors qu'elle, bien entendu, a cessé de l'aimer. Du moins, d'être "amoureuse" au sens où on l'entend communément.

Le problème est que tout au long du roman, ils n'arrivent pas à vraiment se rencontrer. Il y a une parfaite entente de façade entre eux, mais de constants malentendus, parce que Fanny ne dit jamais ce qu'elle ressent, au tréfond et que Michael ne la comprend pas. Tout le bien que Michael pense de Fanny, il ne le dit pas à sa femme, mais à d'autres.

Je résume, mais ce résumé manque de sel, ou plutôt, il manque l'esprit. Ou l'âme. J'ai lu ce roman pour la première fois il y a très longtemps, j'étais très jeune et je ne comprenais pas grand-chose à ce que je lisais. J'ai lu deux romans de Baring, celui-ci et "La princesse Blanche", "Cat's cradle" en anglais. Virginia Woolf aimait Maurice Baring, elle disait qu'elle pourrait le lire tout le temps (à quoi son mari lui rétorquait qu'elle en aurait vite assez), alors qu'elle n'aimait pas John Galsworthy.

Les personnages de Baring aiment souvent à contretemps, (c'est aussi le romancier des "intermittences du coeur", comme Marcel Proust, mais on n'a pas du tout affaire ici à un Proust anglais.

Si je devais caractériser le thème majeur de Daphné Adeane, c'est la quête, chez Fanny, d'un amour (même en dehors d'elle) qui soit durable, permanent. Elle est déroutée par le fait que les hommes qu'elle rencontre nourrisssent de grandes passions, qui s'éteignent un jour, et par le fait qu'ils retombent aussi vite amoureux - plus ou moins vite - d'une autre femme, aussi pasionnément qu'ils avaient aimé la précédente. Et puis, il y a cette fascination pour Daphné Adeane, ses incessants questionnements à son sujet.

Quand la guerre éclate, elle s'engage comme infirmière à Boulogne-sur-Mer et Michael Choyce devient aviateur.

A Boulogne, elle rencontre, pour la seconde fois de sa vie (mais la première fois n'a pas donné lieu à des relations ou à de l'amitié) le Dr Francis Greene, l'ami médecin de Léo Dettrick, l'autre homme qui, lui aussi, a aimé Daphné Adeane...

Comme la Princesse Blanche Roccapalumba, une des autres héroïnes de Baring, Fanny Choyce se convertit au catholicisme. Elle devient catholique, comme l'étaient Daphné Adeane et Hyacinth Wake. Maurice Baring lui-même, s'était converti. Mais là non plus, je ne m'aventurerai pas, du moins, pas dans cet article-ci, c'est trop, trop difficile à comprendre.

Je ne sais comment expliquer, une atmosphère un peu particulière circule dans ce livre. J'y suis beaucoup plus sensible que quand j'avais vingt ans. Je ne percevais que la surface des choses, ou bien les faits brutaux. J'avais certaines idées bien arrêtées sur l'amour, et la vie s'est chargée de me faire changer d'idée(s). Heureusement... Ou non. Je n'en sais rien.

Je me demande - non. Il y a finalement un personnage qui me déçoit dans ce livre, c'est Francis Greene.

Un personnage qui mérite beaucoup mieux que ce qu'il a (et surtout n'a pas), c'est Léo Dettrick ; je plains Michael Choyce, je devrais plaindre Fanny, enfin, je conseillerais de lire ces livres si l'on aime les finesses et les détours d'une analyse psychologique des humains.

Baring

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Commentaires
A
Je ne connais pas du tout cet auteur, mais apparemment c'est une lacune à combler.<br /> <br /> Il est question de lui dans le livre de la princesse Bibesco sur la correspondance de l'abbé Mugnier, disponible dans le réseau des bibliothèques de la ville de Paris.
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Variations de regard
Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

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