Au Docks Bruxelles (5)
Il suffit d'un arrêt de tram (le 7, non, le 3), et l'atmosphère d'un endroit change totalement...
Du quai des Usines montait une rampe abandonnée, qui aboutissait au pont Van Praet. Et qu'emprunte, déjà depuis un petit temps, le tram 7.
Il faut préciser que Bruxelles est une ville sans fleuve... Que primitivement, elle s'est construite et développée sur les deux rives de la Senne, une rivière plutôt marécageuse, qui a très vite été impropre à la navigation. En outre, coulant du sud-ouest vers le nord, et recueillant les pluies amenées par les vents dominants (dans ma commune, la Senne coule encore par endroits à ciel ouvert, mais c'est un égout plus qu'autre chose, encore que, je devrais me documenter à ce sujet - il me semble avoir entendu dire qu'elle était moins polluée qu'on pourrait s'y attendre), elle provoquait de nombreuses crues et inondations dans le petit centre-ville.
Un fragment de plan de Bruxelles,
J'ai bleuté le parcours de la Senne.
En-dessous, on voit les bassins du Canal qui arrivent à l'actuelle place Sainte-Catherine.
La source de l'image est le blogue Bruxelles Anecdotique, j'en reparlerai à l'occasion. Et la référence exacte de la carte est : Extrait - Plan de la ville de Bruxelles (après 1712) - J.Covens & C. Mortier.
Bruxelles ville de Brabant - Lisette Danckaert - BRUXELLES CINQ SIECLES DE CARTOGRAPHIE
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Donc, la nécessité d'une alternative pour le transport des marchandises par navigation s'est très vite imposée, et ce fut la création du Canal de Bruxelles. Il s'est fait en plusieurs étapes bien sûr, mais je n'en retiendrai que deux.
A une époque, les bassins du Canal de Bruxelles arrivaient au centre ville - là où se trouve l'actuelle église Sainte-Catherine (édifiée par Poelaert, au XIXème, dans le style éclectique bruxellois des églises du XIXème et aujourd'hui désacralisée). Ces bassins ont fini par être comblés - ils n'avaient plus d'utilité commerciale et même si cela paraît charmant, avec le temps, ils amenaient paraît-il beaucoup de pollution. La pollution est toujours un prétexte commode pour bouleverser les quartiers, les transformant en zones plus profitables au commerce ou à un habitat plus luxueux...
C'est devenu le quartier du Marché aux Poissons - ou encore, quartier du "VISMET", - où l'on ne vend plus de poissons, contrairement à mon enfance, quand nous y allions encore parce qu'il fallait s'approvisionner en poissons rares, ou en anguilles - pour faire des anguilles au vert. Car il nous arrivait de cuisiner des anguilles au vert. C'était tout un rituel et un travail qui me semblait colossal.
Il y a deux grands bassins, une station de métro, la fontaine Anspach qui se trouvait antérieurement place De Brouckère (deux bourgmestres de Bruxelles qui oeuvrèrent pour l'assainissement et l'embellissement du centre), et des floppées de restaurants à poissons où je n'ai jamais mis les pieds.
Et un glacier réputé (mais qui va être transformé), Comus et Gasterea, et un petit supermarché bio - très chouette et très cher, en bon magasin bio qui se respecte.
C'est là que se déroule annuellement, et en grande partie, le Marché de Noël.
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Le canal dans mon quartier.
Bref, désormais, le canal entre à Bruxelles à Anderlecht, dans mon quartier... Il y a une merveilleuse écluse, où je me suis beaucoup promenée en arrivant ici, un cercle des Régates, une piste cyclable qui va bien au-delà de Bruxelles, dans le Brabant flamand... Et tant qu'on est de ce côté-ci de la ville, le Canal porte le nom de Canal de Charleroi.
Passé la place Sainctelette, à partir du "Port de Bruxelles" - d'où partent les promenades en bateau mouche de "La Fonderie" (le musée de la vie industrielle bruxelloise), il prend le nom de canal de Willebroeck. Au-delà du pont Van Praet, il y a le B.R.Y.C., Bruxelles Royal Yacht Club - avec ses installations et sa salle des fêtes (où mon frère s'est marié en septembre 1975). Puis, il file vers Vilvorde et est bordé d'anciennes infrastructures industrielles dont je ne connais pas l'état, à l'heure actuelle.
Il y a aussi l'incinérateur de Bruxelles, la file de camions poubelles, ininterrompue, et la fumée qui se voit jusque dans mon quartier... Et qui indique d'où vient le vent. S'il vient du Nord-est, en hiver, c'est gel et soleil... Enfin, soleil, pas toujours.
Le canal a aussi très mauvaise réputation, dans l'inconscient bruxellois "aller se jeter au canal" est une expression courante, ce qui est dommage, quand quelqu'un le fait vraiment. Bien qu'une jeune dame anderlechtoise m'ait raconté un jour que, pour leur premier anniversaire de mariage, son mari et elle étaient allés dans un endroit où le canal est assez accessible, et avaient plongé pour nager jusqu'à l'autre rive... Original !
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La Senne, elle, a été voûtée à partir du XIXème siècle et détournée. Je ne vais pas m'étendre sur les chantiers colossaux qui en ont découlé -c'est le cas de le dire- quand, dans les années 70, par exemple, on a enfoui les trams sous les boulevards du Centre, qui avaient été édifiés en lieu et place des vieux quartiers typiques et mystérieux des bords de Senne...
Elle sortait de terre à nouveau, à peu près au Quai des Usines, bien que je ne sois jamais arrivée à la trouver.
Tout un détour par le Canal et la Senne et l'histoire de Bruxelles pour montrer ce qu'est le quai des Usines maintenant, par rapport à ce qu'il a été avant...
Donc, le tram 3.