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Variations de regard
29 juillet 2020

Le voyage à Paris

Je ne sais plus comment je me suis remémoré, tout d'un coup, un voyage d'une journée à Paris fait avec mes parents, probablement en 1978. Nous avons visité le musée de Cluny, ainsi qu'une exposition relative à l'histoire du costume et de la Haute couture au palais Galliéra, visites entrecoupées d'un resto - peut-être le Vicomte, dans le Quartier latin, où nous avions nos habitudes... Puis balade et café dans une brasserie - avant de reprendre le train.

Ma mère était exceptionnellement charmante.

Or, depuis le début des vacances, elle me faisait une vie d'enfer... Bouderies, silences pesants, méchancetés diverses... J'avais une correspondante belfortaine (à laquelle j'ai déjà fait allusion ici ou là) et ma mère ne l'aimait pas. Elle la surnommait (quand elle daignait parler d'elle "Le ballon d'Alsace", ce qui me mettait hors de moi - à la longue, je trouvais ça désagréable. Je ne sais pas ce qui lui faisait peur - ou la fâchait - dans cette correspondance... Nous nous écrivions beaucoup, évidemment. J'adorais écrire, les blogs n'existaient pas, j'écrivais donc mon journal, des romans, des poèmes (tout cela sans grand intérêt ni qualité littéraires) et des lettres. J'adorais écrire des lettres, j'avais toute une collection de papiers à lettres, enveloppes, etc. etc.

Nous avions le projet de nous revoir (elle était venue chez moi l'été 1977, puis, je l'avais accompagnée dans le Jura) et nous nous entendions bien. Cette fois, je devais aller chez elle avant la rentrée - fin août ou début septembre. Dans le territoire de Belfort. Bien entendu, ma mère ne voulait pas que j'y aille, mais mon père bien, qui avait été très aimable avec ma correspondante, et d'ailleurs, je ne vois pas ce que nous aurions fait de grave, enfin, soit. J'ai donc tenu bon, et elle me l'a fait payer très cher.

Le matin, (c'était facile, elle se levait aux aurores...) elle guettait l'arrivée du facteur (le courrier faisait du bruit en tombant dans la boîte aux lettres) et elle se précipitait pour retirer mon courrier et le mettre bien en évidence sur le radiateur. J'essayais d'aller plus tôt à la boîte aux lettres (je guettais aussi le bruit du courrier tombant dedans), mais je n'y arrivais pas toujours. Bien sûr, elle la critiquait, mais dans le fond, c'était moi qu'elle ennuyait, et moi seule. C'était pour moi que c'était invivable. Et ce fut long, très long.

Elle était la plus forte et c'était, eh bien, c'était tout simplement du harcèlement. Tout d'un coup, cette évidence m'est apparue, ce que j'éprouvais, l'énervement, l'anxiété, me dépêcher pour aller à la boîte, les lettres, ostensiblement posées sur le radiateur, puis son mutisme, quand elle était assise à sa place, dans le living, en train de tricoter... Notre silence mutuel. La mère et la fille, pas d'accord, en train de s'épier...  Je ne faisais pourtant rien (pour moi) de mes journées. Je faisais des courses pour mes parents, volontiers, car c'était à peu près ma seule liberté. Et je restais plus volontiers dans ma chambre.

Lors de ce voyage à Paris, elle s'est montrée normale... J'avais peu l'occasion de parler avec mon père, les rares fois où nous avons pu le faire, il m'a dit qu'il espérait que je serais indépendante le plus vite possible. Hélas, cela n'allait pas être le cas avant longtemps.  Un moment, pendant le voyage, - nous étions dans une brasserie - elle s'est tournée vers moi (mon père était sans doute allé aux toilettes) et elle m'a dit qu'elle faisait une "trève", qu'elle voulait que notre voyage se passe bien, mais que ce serait fini dès qu'on rentrerait.

Il est difficile d'expliquer ce que jai ressenti = battements de coeur, anxiété lourde, pénible, peur... En résumé, tout ce que j'allais éprouver, beaucoup plus tard, confrontée à des harcèlements professionnels. C'était exactement pareil.

Je pense que - même si l'ambiance à l'école n'était pas toujours facile - c'est à ma mère, beaucoup plus qu'à l'école, que je dois d'avoir expérimenté ce que c'était que le harcèlement moral.

Pourquoi ?

Je ne sais pas. Mon frère a aussi connu des épisodes très inconfortables (lorsqu'il fréquentait une maison communautaire, et juste avant de se fiancer avec ma future belle-soeur), plus tard, j'ai encore connu de tels épisodes, après l'obtention de mon diplôme - et malgré ma mention - lorsque je connaissais quelqu'un et que c'était "sérieux"... Puis avec mon futur mari, mais là, je me suis dit, "tant pis, je m'en fous..."   Et mon père aussi a vécu de semblables épisodes, bien sûr. S'il n'a pas quitté ma mère, ce fut uniquement pour nous, ses enfants.

Le pire est que souvent, ces amitiés ne tenaient pas... On a finalement cessé de correspondre, elle s'est mariée et moi j'ai commencé mes études de régendat... J'ai gardé la dernière lettre de ma correspondante et j'ai liquidé le reste, mais cette dernière lettre, un jour, s'est évaporée, et je sais parfaitement qui l'a prise et probablement jetée...

Ma mère était un personnage complexe. Elle souffrait sûrement - elle se jugeait la femme la plus malheureuse qu'on pût imaginer - et pourtant, je peux bien le dire, elle avait un excellent mari. Honnêtement... Elle a eu de la chance, car je peux comparer avec au moins deux autres femmes de ma famille : ma tante, ma nière (et moi-même).

Elle était parfois purement et simplement méchante.

Heureusement, c'est du passé .......................... Mais cela peut remonter, quand, par inadvertance je lis les aventures d'Heure Bleue et du Goût des Autres à Paris ....... Et que je repense à cette excursion de 1978.

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Commentaires
E
Bonjour Pivoine, merci d'être passée sur mon blog. C'est très difficile à supporter une mère comme la tienne. J'ai eu la chance d'avoir une bonne mère, nous étions 4 filles et un garçon, mon frère est l'aîné. En lisant ton récit, je pense à ma belle-mère qui était si méchante bien souvent. Quand j'ai connu mon mari, il a eu du mal à me présenter à sa mère. Avec son père ça passait mieux. Quand ma belle mère est décédée en décembre 2007, j'ai dit ouf, je me suis sentie soulagée, car elle en a fait voir à tout son entourage, plus ses 3 belles filles. Plus à mes deux enfants. Bises.
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P
C'est curieux... Les mères et leurs filles. J'aurais été très contente d'avoir une fille, une fille et un garçon, des enfants. Et j'ai eu un fils. Je n'étais peut-être pas prête non plus à avoir un ado de 20 ans qui dormait devant mon ordinateur o;) sans doute que les femmes avaient des enfants trop jeunes, surtout si elles n'avaient pas le désir d'une grande famille, déjà l'accouchement était un sacré problème - parfois...
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H
Ma mère ne voulait pas de fille, elle voulait un garçon, elle a eu trois filles, elle nous l'a fait payer cher, en fait je crois qu'elle était trop jeune lorsqu'elle est devenue mère.
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P
Bonjour à vous deux... la réalité me pousse à préciser qu'elle n'était pas toujours ainsi. Mais sa nature profonde était de tout ramener à elle. Elle n'a sans doute jamais désiré être mère, tout en étant freinée par son éducation et son milieu qui voulaient ça. <br /> <br /> Elle a été une grand mère aimante... c'est pour cela que je dis qu'elle était complexe. Elle n'était absolument pas préparée à avoir une fille adolescente et jeune adulte dans les années 70-80.
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A
C'est affreux d'avoir une mère pareille. Et bien triste. Je suis très émue en lisant cela. Comme le dit claudeleloire, certaines femmes ne devraient pas être mères. Pourtant, heureusement tu es là! Je te souhaite d'être résiliente. Le chemin est long pour sortir des séquelles de ce type de relation parentale. Mais une fois qu'on arrive à se donner à soi l'amour qu'on n'a pas reçu et qu'on mérite, on est sauvé! Je t'embrasse fort.
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Variations de regard
Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

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