Au Cimetière d'Ixelles...
Le cimetière d'Ixelles.
C'est là que les cendres de ma mère ont été dispersées, il va y avoir vingt ans. Vingt ans déjà! Dans la semaine qui a suivi le 4 mars.
Je pensais justement à elle, à son anorexie, et à ses étranges habitudes culinaires... comme le fait de cuire, recuire et cuire encore des aliments (de la viande) dans des poêles en fonte antédiluviennes... en réutilisant les graisses déjà cuites. Et figées...
À noter qu'il y avait une poêle pour les crêpes (propre) et la grande poêle du dimanche...
Jusqu'à ce que, complètement dégoûtée, je les nettoyasse ( ;-) )
Parfois, les manches en bois avaient disparu.
Je ne sais pas ce qui la guidait. Un désir d'économie ? Ou, secondairement, une horreur de tout ce qui avait trait à la cuisine ?
Lorsque je lui disais que les graisses cuites étaient du poison, elle me répondait qu'elle était "mithridatisée" et je trouvais ça très drôle.
Elle m'assurait qu'elle était boulimique, jusqu'au jour où je lui ai répondu qu'elle était plutôt anorexique...
Il y a eu l'époque des pamplemousses à midi... elle disait que si elle mangeait de la viande, elle aurait l'impression de manger ses collègues. C'était +/- au début des années 70.
Poulet et canard... étaient immanquablement qualifiés de "gallinacées" ou de "volatiles".
Elle avait du vocabulaire ;-) à défaut d'appétit.
Avec elle, une noix de beurre était plutôt une noisette... le sel et le poivre étaient inconnus au bataillon... et je ne parle même pas des épices, de l'huile d'olive... des herbes provençales. À part le thym et le laurier.
Et pourtant, elle faisait main basse sur la glace moka, les casseroles (sans anses) de semoule de blé ou de riz au lait, les diplomates... bref, tout ce qui abondait en lactose (que je ne digérais pas).
Les pommes et les pamplemousses!
"Une pomme par jour, c'est la santé pour toujours..." ou "Les pommes, c'est la savonnée de l'estomac..." entendais-je régulièrement.
Quant à aller au restaurant avec elle, c'était un supplice. C'était la statue de la réprobation silencieuse... la séance se terminait généralement par un coup de fil à mon frère. Je n'ai jamais su ce qui la contrariait. Ou si elle désirait simplement contrarier mon père... et moi en bon prime. Là aussi, elle était harcelante.
Sauf chez Balcaen, à Wemmel, où, rituellement, elle commandait un steak, dans l'espoir, disait-elle, de devenir un jour une "belle grosse bruxelloise".
Voeu qui demeura pieux...