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Variations de regard
9 juin 2016

Sans titre

C'était la première fois que nous retournions à l'Astoria depuis trois ans.

Nos parents nous conduisaient le dimanche matin, on débarquait les bagages, on s'installait dans la chambre - j'avais la chambre n° 13 ou 14, au confort rudimentaire. Avec un vieux papier peint à motifs de dunes et de marais, un haut lit gris, la table avec un tapis vert pour écrire (des lettres, un journal intime o;), une chaise, la table de nuit et la penderie aux couleurs assorties, et un lavabo dans le coin...

Après l'apéritif, où, pour nous, il s'agissait de faire main basse sur les cacahuètes salées (le gérant de l'hôtel tremblait de nous voir arriver), à midi, on avait une entrée, du poulet rôti compote et des pommes de terre, rôties, avec un peu de chance, et de la glace comme dessert (deux boules vanille, moka, chocolat, fraise ou pistache, point). Après dîner, les cafés attendaient dans des filtres en métal argenté. L'après-midi on se promenait, on allait manger une glace ou une gaufre chez Raymond, sur un coin, encore tout petit - un bout de tea-room, c'était tout, et puis, rentrés à l'hôtel, on faisait du repérage...

Qui était en vacances avec nous ?  Il y avait trois soeurs, dont Michèle et Anne, (de mon âge), une fille qui fréquentait les Dames de Marie à Uccle, trois garçons tout blonds, adorables, et leur mère... Un frère et une soeur (elle devait avoir dix-sept ans, et lui était un peu plus jeune que moi - c'était avec lui que j'allais danser une série complète de slows, quelques années plus tard, au "King" du coin), un lot de filles de dix-sept, dix-huit ans à peu près, toutes agglutinées auprès d'un assez beau garçon qui avait une soeur plus jeune (on ne les fréquentait pas, je ne sais pas pourquoi), et les enfants d'un professeur de Saint-Boniface, plutôt sympas.

A table, nous avions tous des ronds de serviette de couleurs différentes, et les trois petits blonds s'amusaient à les faire rouler sur la nappe immaculée. Nous avions des verres en cristal, et avec un doigt mouillé, on s'amusait à la jouer Benjamin Franklin, au grand dam de l'assistance.

Et puis, on avait avisé le "garçon" qui servait à notre table, et mon frère avait dit qu'il ressemblait au bel éphèbe de "Mort à Venise" (boucles en moins). Je n'en savais rien, puisque je n'avais pas encore vu le film (j'étais trop "jeune" quand il était sorti), bref, nous formions une belle bande de jeunes. Il y avait aussi la gentille "Marie-Lise" qui logeait au sous-sol et faisait sortir les filles en mal de "King" par son soupirail, et un majordome qu'on surnommait "Oeil d'Aigle".

Très vite, mon frère avait "embarqué" les filles dans son sillage, et je m'étais retrouvée avec ceux de mon âge. Les grands allaient au Father's Moustache et je me retrouvais à faire du baby sitting. On ne jouait plus à la Barbie, mais on faisait des parties enragées de Mille Bornes ou de mikado.

On s'amusait plutôt bien, et le soir, tout le monde se retrouvait dans la salle de jeux, au sous-sol, avec une radio pour écouter les Beatles et des parties et des tournois de ping pong. Il y avait aussi un salon télé, mais nous n'y étions pas souvent.

Le premier jour, on avait fait Le Coq - Wenduine à pied par la plage et retour par les dunes et les bois.

Deux jours après, j'étais malade !

Le serveur, qui s'appelait Bruno, nous rejoignait, et il m'a donc appris à jouer au ping-pong. J'ai appris à bien "jouer" en revers, mais il m'a toujours été très difficile de renvoyer les balles "coupées", "la" spécialité des garçons. Il était à peine plus âgé que moi, faisait l'école hôtelière à La Panne et il ne m'a pas fallu longtemps pour flasher sur lui. J'avais l'impression que c'était réciproque, mais il est fort probable que je me trompais. Sauf qu'il était gentil avec moi, mais il était gentil avec tout le monde - en dehors de son service, il avait parfois l'air de s'ennuyer. Finalement, peut-être flashait-il sur les autres filles aussi. Et puis, avec nous, il parlait français.

Il faut préciser que nos parents étaient repartis à Bruxelles, le dimanche soir, après le souper (invariablement, des tranches de jambon cuit et de jambon fumé et une salade de pommes de terre, suivie d'un dessert), me laissant à la garde de mon frère.

Un jour de grand vent, je me promenais sur la plage, avec les autres, et j'avais bien envie de graver le nom de mon pseudo amoureux dans le sable. Mais comment y arriver sans qu'on le voie aussitôt ?

Car le tout n'était pas d'être amoureuse d'un garçon, le tout était que personne ne le sache (mais pourquoi considérais-je que le fait que (mes parents) le sachent soit une catastrophe potentielle? That's the question).

En somme, durant ces vacances, il ne se passait pas grand-chose.

Mais qu'est-ce que j'étais heureuse !

je t'aime John

sable inscription

 

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Commentaires
P
Merci o:) Jolis souvenirs, répétés quelques fois, avec même, en novembre de la même année, la présence de Jacques Brel dans la station, tournant des scènes de Far West...
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C
Nous avons des souvenirs très similaires, chère Pivoine...<br /> <br /> Sans doute un effet des golden seventies, période bénie...<br /> <br /> j'ai adoré ton récit, plein de détails précis et d'une jolie nostalgie.<br /> <br /> ¸¸.•*¨*• ☆
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Variations de regard
Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

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