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Variations de regard
24 mai 2019

Lettres de la comtesse de Ségur à son éditeur.

Il y a quelque temps, je lisais certains échanges sur la "littérature de gare (sic"), et les propos, un peu à l'emporte-pièce, que l'on tient souvent sur cette littérature.

Or, je venais de lire des lettres de la comtesse de Ségur adressées à son éditeur. (Oeuvres complètes, Robert Laffont, collection Bouquins, volume I).

Il s'agit de M. Émile Templier, gendre de Louis Hachette, plus particulièrement chargé des relations avec les auteurs, et fondateur de la célèbre bibliothèque Rose.

Dont une lettre avec une demande qui m'intéresse.

Correspondance entre la comtesse de Ségur et son éditeur.
Extrait de la lettre du 31 mars 1858, lieu non précisé.
(...)
Je vous demanderai de bien vouloir m'envoyer
5 volumes de mes Contes, cartonnés,
5 idem brochés
10 volumes de la Santé des enfants, cartonnée.
Et le catalogue des livres de la bibliothèque des chemins de fer, on me dit qu'il en a paru récemment plusieurs fort jolis."

Une bibliothèque des chemins de fer ? Je suis allée voir de quoi il retournait.  Cette bibliothèque des chemins de fer était également éditée par Hachette. Le cher éditeur de la comtesse de Ségur. Voici un extrait du catalogue des livres de littérature française:

Exemple de romans français :

ROMANS ET CONTES.

Ernestine — Caliste — Ourika (Mmes Riccoboni, de Charrière et de Duras). 1 fr. 75
Eugénie Grandet (de Balzac). 2 fr. 50
Graziella (de Lamartine). 1 fr. 50
La Bourse (de Balzac) 50 c.
La Colonie rocheloise (l’abbé Prévost). 1 fr. 50
Les Oies de Noël (Champfleury). 1 fr.50
Palombe (J. B. Camus) 1 fr. 50
Paul et Virginie (Bernardin de Saint-Pierre). 1 fr. 25
Scènes de la vie politique (de Balzac) 50 c.
Ursule Mirouet (de Balzac). . 2 fr. 50
Zadig ou la Destinée (Voltaire). 1 fr.

***

Cette correspondance pleine d'urbanité dans les demandes adressées à M. Templier, (avances financières sur les premières mises en vente, envois de volumes - la comtesse avait droit à 50 volumes de chacun de ses livres édités, et aurait aimé que ce nombre montât à 75 - indications quant aux reliures, illustrations et présentation typographique des ouvrages), est très intéressante.

On apprend ainsi qu'elle regretta les importants remaniements exigés pour les "Mémoires d'un âne". Et que le livre fut long à éditer... Au point qu'elle pensa s'adresser à une autre maison.

"Je n'ai pas encore pu trouver un moment pour revoir mon pauvre âne que vous avez si malmené." (16 février 1859).
Pendant quelques mois, le sort de 'son âne' l'inquiéta - jusqu'en décembre de la même année, alors même qu'elle surveillait l'édition des Vacances (elle refusa le titre 'les vacances de Sophie' trouvant que ce sont tout autant les vacances des autres enfants.)

Autre changement de titre: 'François le Bossu' fut d'abord 'le Petit bossu'. Et la comtesse écarta 'le Bossu'.

Elle dut également faire face à de la censure... pour "L'Auberge de l'Ange gardien". Il ne pouvait y avoir trop d'allusions à un avenir sentimental ou amoureux des personnages.

Madame de Malaret dans l'Impératrice Eugénie et les dames de sa cour.

Enfin, dans la lettre numéro 65... Une demande révélatrice du succès de l'oeuvre commencée quelques années plus tôt.

"Paris, 15 février 1864.

Cher Monsieur,

je dois offrir mes oeuvres au Prince Impérial (alors âgé de sept ans. Autour de lui s'était cristallisé l'amour de l'enfance, symbole de l'espoir et de l'avenir, et toutes les idées nouvelles sur l'éducation et la famille, (Ndl'E).

Auriez-vous l'obligeance de m'en faire relier un exemplaire des onze volumes parus; il faut que ce soit en rouge avec les armes Impériales d'un côté et des abeilles de l'autre côté. Je voudrais bien vous parler à ce sujet, car je ne veux pas faire de grands frais de reliure; quelque chose de convenable à 2 ou 3,- F. le volume. La tranche devra être tranche peigne et non doré, c'est difficile et ennuyeux à décoller, les feuilles tiennent ensemble et un enfant n'en viendrait pas à bout.

Mille compliments affectueux.

Ctesse de Ségur.

Si la tranche peigne ne va pas avec le rouge, on pourrait mettre une reliure cuir de Russie clair; ou La Vallière; c'est fort joli. (Maroquin dont la couleur est à peu près celle que l'on appelle 'couleur feuille morte' - Ndl'E)
Je suis pressée d'avoir les livres. L'Impératrice les attend. Il faut que les onze volumes soient placés dans un carton recouvert de papier maroquin également avec les armes de l'Empereur au dessus. Ce sera plus élégant qu'un paquet ficelé."

***

Note concernant les illustrations des romans de la comtesse de Ségur; Horace Castelli, (1825-1889) était un graveur sur bois et illustrateur français qui fut l'illustrateur préféré de la comtesse de Ségur et, apparemment, de ses jeunes lecteurs.

comtesse de Ségur

la comtesse de Ségur jeune.

Camille et Madeleine de Malaret, les petites filles modèles.

Camille et Madeleine de Malaret, les "petites filles modèles"

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Commentaires
P
Bonjour Adèle que je ne connais pas... Oui, vous complétez très bien cet article qui était déjà assez long. <br /> <br /> <br /> <br /> J'ai lu avec intérêt le catalogue des livres de Hachette. Toutefois je n'étais pas sûre que les bibliothèques rose et verte (viennent) vinssent de là. <br /> <br /> <br /> <br /> En effet la fille de la comtesse (une des filles), était dame d'honneur de l'impératrice et c'est bien pour cette raison que je l'ai publié en illustration. Mme de Malaret. Ce tableau est merveilleux et je l'ai vu au château de Compiègne il y a bien longtemps. <br /> <br /> <br /> <br /> Et en effet je vois à quel roman vous faites allusion. Léonce Gerville, les Hurel, le commissaire Dabrovine, quelques uns encore. <br /> <br /> <br /> <br /> (...)
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A
J’ai plus de choses à vous dire que je ne le pensais hier quand je vous ai lue ici !<br /> <br /> C’est parce que, revenue sur vos autres posts (de cette rubrique seulement, j’irai voir les autres plus tard), j’y ai constaté que beaucoup de vos lectures recoupaient les miennes, et que j’ai envie de vous en parler.<br /> <br /> <br /> <br /> Je vais me limiter d’abord à deux remarques : je pense que si vous avez mis en illustration le tableau de Winterhalter, c’est que vous savez ce que vous n’avez pas dit à vos lecteurs, comme je le fais maintenant : la fille de Sophie de Ségur, dame d’honneur de l’impératrice, figure sur ce tableau, c’est la dame à la robe jaune.<br /> <br /> J’ai rencontré, autrefois, un garçon qui m’avait dit que son aieule était sur ce tableau ; un demi-siècle plus tard j’ai envie de lui demander des précisions, mais comme c’est un demi-siècle plus tard je n’en ferai rien : c’était le genre de garçon à rester mince, alors que je me suis épaissie au-delà de ce que j’aurais imaginé…<br /> <br /> <br /> <br /> Je reviens à votre note : vous écrivez « Cette bibliothèque des chemins de fer était également éditée par Hachette. Le cher éditeur de la comtesse de Ségur. » En fait, les livres de Mme de Ségur faisaient partie de cette collection Bibliothèque des chemins de fer, dans la section jeunesse, donc à couverture rose (d’où le nom Bibliothèque rose) ; les titres que vous citez étaient dans la partie Littérature française, à couverture couleur cuir, le jaune étant pour les littératures anciennes et étrangères, le rouge pour les guides touristiques -bien avant Michelin !<br /> <br /> <br /> <br /> Une troisième remarque quand même : avez-vous remarqué que tous les personnages de l’un des romans dont vous aviez parlé portent des noms tirés de l’œuvre de la comtesse ? tous, ce ne peut être un hasard mais un jeu de l’auteur. <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> J’arrête ce message trop long, mais vous allez avoir des alertes pour des réponses à des notes anciennes !
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H
La Comtesse de Ségur avait des exigences, ça ne m'étonne pas du tout.
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A
Entièrement d'accord avec la comtesse... et avec Adrienne :D Ma lecture d'enfance préférée aussi!
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C
replonger dans l'enfance un instant et se dire que ces moments qui nous étaient si doux à vivre et à lire avaient suscité tant de soubresauts ...<br /> <br /> amitié .
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Variations de regard
Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

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