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Variations de regard
25 janvier 2023

Hélène...

Hélène (c'est un pseudonyme), a quatorze ou quinze ans comme moi. Elle fréquente des cours de musique avec sa soeur, plus jeune d'un an environ, et un frère encore plus jeune (ils sont quatre en tout, mais le plus petit est trop petit...) - comme moi. Je les ai tout de suite perçus comme super-gentils.

On papote avant les cours, c'est agréable, l'école est claire, l'ambiance est détendue, j'aime bien. Nous ne sommes pas toujours assises ensemble en classe. On est d'ailleurs plusieurs à faire connaissance, cette année-là (1970-1971) et (1971-1972). J'ai aussi un voisin de banc - pas très intelligent. Mais à treize, quatorze ans, on (je) n'est peut-être pas très regardant. On ne se préoccupe pas vraiment d'affinités.

Il y a aussi deux réfugiés hongrois, une fille de mon âge qui a fréquenté le Sacré-Coeur d'Ixelles - comme moi - et son frère. Dieu sait ce qu'ils ont vécu! Le moins qu'on puisse dire est qu'elle est plutôt à plaindre. Elle n'a pas d'amie, et on l'ennuie carrément dans la cour de récréation (on n'appelle pas ça encore du harcèlement scolaire...)  C'est dire comme l'académie est -  je le pense - un endroit où les différences qui nous font souffrir à l'école, disparaissent - comme par magie. La prof de musique est sympa, c'est une demoiselle, bonne vivante - me semble-t-il. On peut me tuer, mais je ne sais plus ce qu'Hélène suivait comme cours (quel instrument elle apprenait).

Après deux ans, nous entrons en troisième année de solfège et aussi - je change d'école. Pour la deuxième fois. J'ai passé dix ans au Sacré-Coeur et un an à l'athénée d'Uccle (où cela n'a pas été beaucoup plus concluant - sauf pour le latin, car j'ai une sacrée avance), les cours littéraires et... Le dessin et la musique. Mais comme je suis livrée à moi-même, honnêtement, je n'étudie pas beaucoup. Je fais de mon mieux, mais ce mieux n'est pas terrible.

Bref, à la rentrée 1972, j'arrive au lycée, sur le conseil d'Hélène et de sa soeur (et avec l'avis positif de leur mère, qui connaît bien le lycée), ayant échappé de peu au retour dans une école catholique (les Dames de Marie, cette fois). Mes parents s'y sont résolus... Après avoir cherché moult conseils et m'avoir même fait passer toute une série de tests d'orientation dans un centre P.M.S. Lequel les a rassurés o;) j'étais bonne pour "le service".

Bien sûr, j'espère être dans la classe d'Hélène. Eh bien, c'est raté. Elle est en 4ème A, et moi en 4ème C. Cette répartition est totalement illogique. En A, il y a les latin-maths, et les math-sciences... Et en C, cinq malheureuses élèves en latin-grec (dont moi) et le reste en sciences économiques. Donc, Hélène est en math-sciences en A, et moi en latin-grec en C. Après la première déception, on se fait à cette situation, j'essaie de m'intégrer (ce n'est pas facile) et de toute façon, on se retrouve aux récréations, à dix heures, parfois, mais on n'a que vingt minutes, et à midi. On mange, et puis on passe un bout de temps ensemble. Moins le mercredi, où l'on rentre chez nous, moins le jeudi, où on a collé ces heures de grec malvenues (mais défendues par la préfète, laissons-lui ça), en amputant sérieusement notre récréation (on n'a même pas le temps de manger à la cantine). On enchaîne tout de suite avec les cours de l'après-midi. Autant dire que le jeudi, en rentrant, j'ai régulièrement mal à la tête.

La fin de l'année arrive... Je me suis fait deux amies, dans ma classe. Je ne les ai pas vraiment choisies, c'est un peu le hasard qui a présidé à nos relations. Elles sont toutes les deux danseuses. Et ne pensent qu'aux soirées dansantes, aux garçons (c'est général), aux fringues, et aux chanteurs de charme. Je fais comme tout le monde, gardant mes propres centres d'intérêt pour moi (la lecture, mon J2 Magazine, la musique - et pas les variétés, plutôt Pink Floyd et Deep Purple  - et le cinéma...). 

A la moitié de l'année, j'abandonne l'académie de musique. L'organisation est telle que je dois y aller quatre fois par semaine, et que pour ma mère, c'est trop, beaucoup trop. De fait, avec le solfège le mercredi après-midi et un cours de cuisine régionale (en parascolaire), je ne suis plus beaucoup à la maison. Mais qu'est-ce que cela peut faire à ma mère? Elle travaille et rentre tous les jours à 17h30 tapantes.  Je vais d'ailleurs souvent l'attendre à la sortie de son bureau - qui est près de la maison. Mes parents se préoccupent d'ailleurs surtout de l'avenir de mon frère (qui a 22 ans).

Donc, je ne vois plus beaucoup Hélène - et certainement pas sa soeur... A la fin de l'année, on demande qui a réussi. Elle a un examen de passage en français... (nous avons le même prof)... Ce qui m'étonne, parce que je la crois nettement meilleure élève que moi. Je rêve bien parfois d'être première de classe (!) mais ce ne sera pas pour cette année. Même si cette année, les maths ont plutôt bien fonctionné, la physique aussi, les sciences sans problèmes. Et moi, j'ai deux examens de passage, en néerlandais (la prof m'a à la mauvaise depuis le début de l'année) et ... Honte sur moi, en histoire. Je ne sais pas comment j'ai fait pour récolter un examen de passage en histoire, d'autant que j'avais commencé l'année sur de vraiment  bonnes bases. Mais un moment, j'ai dû cesser d'étudier (sans doute), et comme mon dossier n'est pas terrible... (un prof m'a carrément dit un jours "si tu n'es pas contente, retourne d'où tu viens..." - je ne sais pas si elle entendait par là l'athénée ou mon école catholique - où, soit dit en passant, j'avais eu un horaire intensif en latin et en grec...)  bref, mes vacances promettent d'être à moitié ratées.

A moitié seulement, parce qu'au mois de juillet, mes parents louent une fermette, à la campagne, et Hélène et ses parents ont justement une maison dans les environs. Donc, on se voit, les parents se trouvent sympathiques, on va les uns chez les autres, on cuit des tartes, on se promène dans les bois... C'est super.

Et à la rentrée, on passe nos examens de passage. Et patatras! Hélène est busée (de manière absolument incompréhensible, parce que vraiment, c'est loin d'être une idiote) et moi je réussis. Je ne sais pas comment. Je ne suis ni meilleure ni plus mauvaise en histoire (et je vais grandement m'améliorer...) mais en néerlandais, la chute va être, hélas, remarquable.

Elle reste donc en 4ème, et je passe en 3ème latin-grec. Nous avions donc le même professeur de français, et comme je la connais (à l'époque, puis avec les années), je soupçonne que cet échec a été parfaitement subjectif. Ou alors Hélène a dû perdre tous ses moyens. La prof est plutôt impressionnante. Intimidante. On ne sait jamais comment elle va réagir. Ni si elle va vous apprécier. Quand elle vous apprécie, on le sait. Quand elle ne vous apprécie pas, on l'entend (elle pratique l'ironie limite... et en a fait pleurer plus d'une).

Donc, voilà. Une quinzaine de jours après la rentrée, la préfète des études part en congé de maladie, et la prof de physique prend le relais pour réorganiser les classes, les horaires, bref, le résultat est que les cinq élèves de latin-grec, qui ne sont plus que trois d'ailleurs, rejoignent les élèves de latin-maths, en A. Le lycée a beau être révolutionnaire, et avoir adopté l'enseignement rénové, il n'en a pas moins gardé cette classification absurde, de A (très bon niveau général) à C ou D (après ça, c'est l'enseignement technique...)  Mes amies danseuses ont quitté le lycée, et me voilà dans une classe de têtes, de matheuses fortes, de premières de classe... Et je ne sais pas très bien comment je vais m'en sortir.

En plus, je n'ai plus d'amie. Mais je vais m'en refaire deux ou trois, seulement, à cet âge, les filles sont très à cheval sur leurs choix. Pas question, quand elles ont une voisine de banc depuis la sixième, d'en changer. Albane va devenir une amie en m'empruntant régulièrement mes cahiers pour se remettre à jour o;)  et j'irai de temps en temps chez Marie, une réfugiée polonaise, cette fois. Et puis, il y en a d'autres, qui nous entraînent à des après-midi dansées, n'appelons pas ça dansantes, dans le grenier d'un élève d'un collège catholique voisin (très sympas ces après-midi d'ailleurs.)

Tout ça semble évidemment un peu puéril, sauf que les relations se sont distendues entre Hélène et moi, forcément, et qu'en plus, je vais tellement subir l'influence de mes professeurs que je vais complètement - presque - complètement - changer.

Malgré cela, à 65 ans, 50 ans après les événénements, je me demande encore toujours

1) ce qui a fait qu'elle a eu cet examen de passage,

et 2) pourquoi et comment elle l'a raté - et dans l'impossibilité de demander l'avis des protagonistes, je ne puis faire que des suppositions.

***

A noter que je n'ai pas tout à fait perdu Hélène - ni sa soeur - de vue. Sa soeur - qui était une littéraire, elle, et a suivi la même filière que moi - a fait des études de philologie classique. Mais on ne se parlait pas beaucoup. Pourquoi? Je n'en sais rien. Hélène a - si je ne m'abuse - fait des études d'institutrice maternelle, ou primaire.

J'ai revu toute la famille, beaucoup plus tard, à l'Ecole des Arts d'Ixelles, en visitant les ateliers. Quand j'ai vu les "garçons" (que j'avais connu enfants), je me suis exclamée "Oh! Mon Dieu!" Les petits garçons étaient devenus des hommes. Et gentiment leur mère a simplement dit "eh oui, eh oui..."  

Et enfin, après quelques recherches, j'ai retrouvé la soeur d'Hélène, et les ai fait inviter lors d'une soirée d'anciennes du lycée - place Fernand Coq - pas très loin des lieux que nous avions hantés. En février 2011 - ce qui fait déjà douze ans, tout de même...

ixelles

Les_étangs_d'Ixelles

Etangs d'Ixelles.

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Commentaires
P
Bjr Céladon. Je ne trouve pas que mon parcours ait été particulièrement brillant. Je me suis améliorée, bien sûr. La fin a été réussie. Je ne sais pas ce que c'est réussir sa vie. Triompher des difficultés ? Peut-être...
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C
Beau récit chère internaute . Chez les filles il y du copinage plus fréquent à cette époque révolue que chez les garçons .Mon parcours d'écolier n'a pas été aussi brillant que le tien .j'avais la bonne moyenne partout SAUF pour ce qui touchait aux chiffres , j'ai eu des coups de chance les études longues n'étaient pas pour moi .L'horticulture m'a vu arriver appris tout dans ce domaine en spécialités diverses Mon entourage familial a fait des études longues , instituteur, médecin cardiologue .J'ai quand même réussi ma vie c'est le principal .
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Variations de regard
Variations de regard

Quartz Rose ou pas, je suis toujours Pivoine... Me revoici, avec, pour fil conducteur, des souvenirs de Bruxelles, des balades en d'autres lieux. Donc, musardons ensemble, un peu au hasard, nous verrons bien où nos pas nous mènent

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