Crupet - Bouillon - Orval - Rossignol, juillet 2017 (2)
Quand je suis à Orval, davantage encore qu'à Hurtebise, je me pose la question de la "vocation" monastique. Je suis fascinée. Mais le mystère humain me fascine. Je ne me pose aucune question sur la vie sacerdotale (en réalité, elle ne m'intéresse pas, je la trouve même franchement rebutante, célibat imposé, refus de l'ordination des femmes, etc.), mais beaucoup plus sur le choix de la vie monastique.
Comment ? Pourquoi ?
Qu'est-ce qui pousse des hommes et des femmes (de plus en plus rares, tout de même), et des jeunes, à embrasser l'état de moine ou de moniale? La "foi" sans doute, me répondra-t-on, mais cette réponse me semble courte, ou insatisfaisante, pour un état de vie aussi particulier.
C'est une chose d'y résider quelques jours, en hôte de passage, et une autre d'y vivre en permanence.
Il y a la fraternité, oui, mais vivre avec les autres n'est pas facile. Des hommes ou des femmes très jeunes, avec parfois d'autres très âgé(e)s...
Les horaires sont contraignants. Les mâtines, les Laudes... 5 heures, 7 heures... En hiver, il faut traverser des couloirs froids. Parce que si on chauffe l'Abbatiale et les chambres, les lieux communs le sont moins. Et le froid, ce n'est vraiment pas drôle, même si on s'y habitue. Un jour, je parlais de cela avec un médecin, et il m'a répondu en souriant, mais quand ils ou elles sont malades, ils ou elles se soignent, et même quand quelqu'un a une dépression, il ou elle est aussi soigné(e).
Il y a sans doute des temps de "récréation", mais beaucoup d'offices, d'étude, de méditation et du travail agricole ou manuel. C'est même une obligation dans la règle de Saint Benoît.
Evidemment, il y a des aides extérieures (vu qu'il n'y a plus de frères ni de soeurs convers(es).
Quand j'étais enfant, et élève au Sacré-Coeur, j'éprouvais un respect mêlé de crainte envers les religieuses. Il paraît qu'il fallait appeler "Ma Mère", celles qui étaient entrées avec une "dot". Et "Ma Soeur", celles qui n'en avaient pas apporté, mais qui travaillaient de leurs mains. Ou qui géraient l'école. Je me suis souvenue longtemps - j'avais treize ans et j'allais quitter le Sacré-Coeur pour toujours, d'une soeur en tablier, portant un lourd panier de linge repassé et plié, et qui m'a demandé de l'aider. Je l'ai fait volontiers. Elle a eu un mot gentil pour me remercier, dans le genre bénédiction, mais cela ne m'a pas empêchée de mener ma vie à ma guise o;) et de pratiquer le "libre-examen" si cher à l'ULB, sans le savoir d'ailleurs.
Une attitude, qui m'a toujours paru aller de soi.
A Hurtebise, j'ai lu la biographie d'une Bénédictine (que j'ai connue, avec qui j'ai même parlé un jour), qui était entrée toute jeune au monastère - et pas par dépit. Qui avait encore connu la clôture... On en frissonne. Et qui, une des premières, a porté le pantalon.
Je me demande aussi ce qu'ils (et elles)ressentent réellement, tous les jours, lorsqu'ils (elles) répètent inlassablement les mêmes mots. Mais ce n'est peut-être pas très différent de nos habitudes, de nos rites à nous, que nous soyons seul, en couple ou en famille.
Que croient-ils?
Je me souviens de cet écrit de Thérèse de Lisieux, sur son lit de malade, ravagée par la tuberculose, où elle disait que par moments, c'était le "pire des raisonnements matérialistes" qui s'imposait à elle. Cette femme que l'on imagine jeune, pieuse et naïve, avec sa pluie de roses, un pur produit de son siècle, était une fille qui tenait des raisonnements d'athée. Après, continuer dans la voie qu'elle s'était tracée, et très jeune, c'était son choix. J'ai lu son autobiographie, mais j'aurais préféré la lire "décaviardée"...
Jadis, quand mes parents nous emmenaient visiter des abbayes, en passant, j'avais envie de prendre la fuite. Mon expérience du Sacré-Coeur était encore trop proche. Heureusement qu'ils ne nous ont jamais emmenés faire une retraite en famille... Je ne sais pas non plus si cela se faisait, à l'époque. Peut-être que cela m'en aurait dégoûtée à tout jamais. C'est beaucoup plus tard que le hasard m'y a ramenée, avec quelqu'un qui n'a d'ailleurs fait que traverser ma vie. J'ai passé deux week-ends à Forges (près de Chimay), et nous sommes souvent passés à Scourmont.
Nous nous sommes séparés, justement à cause de divergences culturelles et religieuses. J'étais trop laïque au goût de sa famille, et lui, je l'ai jugé assez sévèrement.
Il m'agaçait, avec ses certitudes...
"Arachnè, Princesse du Temps jadis"
Orval, le soir, vue sur une partie de l'hôtellerie.